L'histoire :
C'est sous un terrible orage et une pluie d'éclairs qui le terrorise que le jeune Martin Luther promet à Dieu de devenir moine s'il lui garde la vie sauve. Nous sommes au tout début XVIème siècle et dès ses premiers jours dans le couvent des augustins, connu pour son austérité, le jeune moine en devenir surprend par son comportement. Une ardeur au travail hors du commun, une volonté de privation qui dépasse ce que ses frères de religion attendent de lui. Un an après avoir été ordonné prêtre, il se voit confier une chaire de philosophie dans la prestigieuse université de Wittenberg. C'est le début d'une période d'approfondissement de l'analyse des écritures par cet homme de foi. Il propose à ses élèves une exégèse rigoureuse et personnelle, cherchant dans la Bible la vérité à partager avec les fidèles et les étudiants, contestant les philosophes qui doutent. C'est lors d'un voyage à Rome que son travail va prendre une dimension nouvelle et radicale. Ses premiers pas en dehors des terres allemandes lui font découvrir une ville où la religion déploie des fastes inattendus, et ou la piété semble devenue un commerce. Une surprise autant qu'une déception, qui va se confirmer à son retour lors d'une messe dans son pays natal, lorsqu'un prêcheur incite les fidèles rassemblés dans son église à donner de l'argent pour garantir le salut de leur âme. Cette indulgence papale révolte Luther au plus haut point, lui qui ne jure que par le travail, l'humilité et la repentance. Il va dès lors mettre toute sa force et son intelligence redoutable au service d'une pratique nouvelle de la religion, et son nom va traverser les frontières.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En montrant de quelle manière Martin Luther devient un penseur révolutionnaire au sein d'une hiérarchie religieuse omnipotente, Olivier Jouvray réussit une bibliographie passionnante autant qu'instructive. Chaque citation de la pensée de Martin Luther est choisie avec justesse, et permet de comprendre la finesse de son analyse. Sa rigueur monacale est sans cesse rappelée, qui confirme de quelle manière il reste un homme totalement prisonnier des textes religieux, qui l'empêchent littéralement de profiter de la vie. Son entêtement est très bien mis en scène à travers les réactions des autorités qu'il conteste, et son jugement très radical sur nombre de ses contemporains. Le scénariste construit donc un portrait subtil et complet, tout en marquant les étapes clés qui vont mener vers une scission au sein de l'église et les débuts du protestantisme. Le récit avance avec le radicalisme de Luther, en une série d'étapes passionnantes pour le non initié. Les mentions historiques pures apportées par Mathieu Arnold sont habilement insérées dans des pages qui ne s'en trouvent jamais ralenties. Les dessins et les couleurs très classiques, respectivement de Filippo Cenni et Alessia Nocera, portent le récit sans jamais détourner l'attention du lecteur.