L'histoire :
Vers 1908, en Arizona, Emmett Dalton travaille de nuit sur sa machine à coudre. Il s’épuise à la tâche pour offrir à sa femme Julia la meilleure vie possible. Il a laissé loin derrière lui son passé de braqueur de banques et de pilleur de trains, qu’il pratiquait avec ses frères. Il y a miraculeusement survécu, a purgé une peine de prison et tient désormais à redorer sa respectabilité. Inquiète de ne pas le voir dans le lit à ses côtés, Julia se lève. Elle lui propose tendrement d’aller se reposer, mais repère aussi quelqu’un dans le jardin. Un flingue en main, Emmett sort. Ouf, il reconnait John Tackett, le producteur de cinéma qui souhaite toujours raconter la vraie histoire de ses frères sur grand écran, rétablir une vérité en dehors des récits déformés qui ont été véhiculés. Emmett lui propose un petit-déjeuner. Tackett lui offre un job en or : devenir une sorte de « consultant western » à temps complet, pour tous les films qui sont sur le point de se tourner. Emmett refuse net la proposition d’aller vivre en Californie, où se montent de tous nouveaux studios. Les souvenirs de sa vie d’avant, ainsi que la tragédie du braquage de la banque de Coffeyville, lors duquel sont morts ses frères Grat et Bob, le hantent. Julia se charge cependant de le raisonner et de le faire plier…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec le formidable support graphique d’Emmanuel Bazin, Antoine Ozanam continue de nous narrer la véritable histoire d’Emmett Dalton, qui pâtit d’une assez Mauvaise réputation. Son destin authentique se situe en effet bien loin de l’image qu’a popularisé René Goscinny dans le tome 6 de Lucky Luke, Hors la loi (où les frères Dalton apparaissent pour l’unique fois dans la série ; les autres Dalton quasi systématiquement parodiés sont leurs cousins imaginaires). Par exemple, le vrai Frank Dalton était un marshal courageux et honnête, tué dans l’exercice de ses fonctions. Bill fut un simple fermier, accusé à tort. Trois autres frères et vrais bandits Dalton détroussaient certes les voyageurs des trains ou attaquaient des banques entre 1890 et 1892 dans l’Ouest américain, mais ils le sont devenus par un concours de circonstances atténuantes, initialement pour réparer une spoliation de salaire. Celui qui nous intéresse ici, Emmett, a survécu à la fusillade de Coffeyville (Kansas) qui a été fatale à Grat et Bob. Une célèbre photo montre leurs cadavres sur un plancher, avec deux autres complices, à l’issu du règlement de compte fatal. Cette photo est réutilisée dans cette sorte de biographie reconstituée par Ozanam, qui entrelace de près deux fils narratifs : l’emploi de consultant et d’acteur d’Emmett au présent (1908) sur ses dernières années pour les studios naissants d’Hollywood, et ses souvenirs tragiques de son passé de bandit. Notamment la double attaque de Coffeyville (1892) conclut magistralement le diptyque, qui ponctue régulièrement la narration avec de fausses couvertures de journal newyorkais d’époque. Mais la grande plus-value vient de la traduction visuelle de cette histoire par Emmanuel Bazin, une pure réussite. Intelligemment, le découpage impeccable met régulièrement en valeur les grands espaces et le décorum très réaliste, quasi documentaire. Il s’accompagne d’un style aquarellé qui tire vers le sépia ou les teintes monochrome des vieilles photos ou pellicules, pour une immersion totale. Le frère Dalton survivant en ressort franchement réhabilité.
