L'histoire :
En 1760, lors de ses petites excursions aux abords de Chamony, un gentilhomme genevois, Horace-Benedict de Saussure, est fasciné par la beauté de ce mont inaccessible et Blanc qui culmine au dessus du village savoyard. Il décide d’offrir une « forte récompense » au premier qui trouvera une voie praticable permettant d’en atteindre le sommet. Evidemment, l’appât du gain déclenche chez quelques uns des envies d’alpinisme. Ce jour là, Jacques et Joseph, des villageois, entament une ascension, lorsqu’ils croisent la route de Balmat, un chasseur de 24 ans, une véritable force de la nature. Attirés par les connaissances du terrain de celui-ci, ils lui donnent rendez-vous plus haut, au « bec de l’oiseau », le lendemain, pour tenter le coup ensemble. L’homme ne faillit pas à sa réputation : il les saque de leur bivouac au petit matin, alors qu’il fait encore nuit. Plus haut, plus tard, les trois hommes croisent une autre expédition, Couttier et Petit-Loup, en phase de descente. Selon eux, il est déjà tard dans la journée pour poursuivre. Balmat continue néanmoins en solo et se perd. Il en est quitte pour une nuit frigorifique blotti dans la neige, où il lui semble voir la déesse blanche. Quand il redescend enfin, en piètre état, il a une idée précise de la route à prendre. Contre toute attente, il acceptera de tenter le coup en compagnie du jeune docteur local qui le soigne, Paccard…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme l’indique le titre, ce one-shot retrace l’aventure des premières ascensions du Mont-Blanc, à la fin du XVIIIe siècle. Avec les connaissances et le matériel d’aujourd’hui, le sommet de l’Europe est quasiment devenu un boulevard pour touristes… Mais à l’époque, il s’agissait d’un défi, d’une des grandes conquêtes humaines, au même titre que le pôle sud ou la Lune. Sous la férule du genevois de Saussure, le challenge fut remporté par Jacques Balmat et le docteur Paccard, le 8 août 1786. Or, si le récit scénarisé par Vivianne Perret retrace, avec la tension idoine, les conditions extrêmes et héroïques de cette équipée, cette date n’apparaît jamais dans l’album. De même, rien n’indique – ni dans les textes, ni à travers les rides des personnages – qu’entre la récompense promise par de Saussure et l’exploit effectif, 26 années se sont écoulées ! Certes, à travers le dessin de Laurent Bidot, paysages, cadrages et proportions des personnages sont impeccablement mis en scène. Néanmoins, les faciès montrent des traits figés, octroyant peu d’indication sur les âges et les efforts. L’album occulte donc l’inscription de la conquête dans le temps – et dans ce sens pèche dans sa démarche didactique. Autre bémol : le climax (l’arrivée au sommet) est déjà atteint à la 27e planche… or l’album en compte 54. Hormis l’ascension de Saussure (un an plus tard, une date elle aussi oubliée), la seconde partie se perd alors dans le destin tragique et l’obsession de Balmat, persuadé de pouvoir trouver de l’or dans les entrailles du Mont. Cette séquence frise même l’ésotérisme – Balmat est fasciné et appelé par une déesse de glace – et brouille plus encore le propos éducatif. Le sujet était prometteur, il aurait sans doute mérité mieux…