L'histoire :
En 1263, Ramon Llull, un Chevalier d’une noble famille de Majorque, reçoit la visite d’un drôle de messager au service du Rabbin Benveniste Aymat. Il est porteur d’une missive de son maitre, qui enjoint Ramon de lui venir en aide : l’homme est à Barcelone dans les geôles de l’Inquisition, accusé d’avoir assassiné un moine copiste, Adalbert de Bugia. D’ailleurs, sous la torture, il a avoué cet abominable crime qu’il n’a pourtant pas commis. Il se sait condamné et conscient que son message ne sera lu qu’après sa mort. Pourtant, il demande à son ancien élève d’intercéder auprès du Roi, non directement pour lui, mais pour le peuple juif de Barcelone qui est en grand danger. Ramon rejette la requête dans un premier temps, arguant que l’autorité ecclésiastique n’a pu agir sans raison. Pourtant, peu à peu, souvenirs et doutes s’immiscent jusque dans ses nuits. Il décide alors de prendre la route pour mener son enquête et tenter de faire toute la vérité… Arrivé dans l’étude de Maistre Aymat, fouillant les documents, Ramon met la main sur un parchemin. Il y est inscrit le nom du moine assassiné, la date de sa mort et une mystérieuse note faisant état de l’énigmatique Tabula Smaragdina (la table d’émeraude). Le tout est frappé d’un sceau représentant un étrange symbole en forme de crabe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ecrivain, poète, philosophe, alchimiste, théologien… L'authentique Ramon Llull (1232-1316) fait partie des grands intellectuels espagnols du Moyen Âge. Et c’est sous un angle à la fois historique et romancé qu’Eduard Torrents choisit ici de lui rendre hommage, sur plus d’une soixantaine de pages. Parfaitement documenté (la postface en est la preuve évidente), l’auteur barcelonais tente de nous faire découvrir ce personnage singulier. En particulier, il s’agit d’emprunter les chemins qui le conduisirent, dans les premières années de sa vie d’adulte, à construire sa pensée et en priorité sa conception de la religion. Le contexte politique et culturel (la situation géographique des événements, au centre d’un carrefour socio-culturel particulier, les luttes religieuses…) est parfaitement restitué pour nous faire admettre son importance dans la vie du théologien. Bref, un ensemble de découvertes de concepts, de chocs émotionnels et historiques qui l’amenèrent à ce qu’il devint : un apôtre, en particulier, de la conversion religieuse, par l’usage de la parole et de la raison (et pas par la force). De ce point de vue, préface et postface sont un indispensable complément. Au-delà, l’ouvrage s’épaissit d’une semi intrigue policière : l’enquête sur le crime du Frère Adalbert avec, dans le registre ésotérique, un mystérieux livre à révélations (une fois de plus). A peine élucidé, celle-ci se complète encore d’un brin de romance. Ces biais sont tout de même de nécessaires accroches, pour éviter de sombrer dans la leçon historico-théologique ennuyante (et moult concepts indigestes et compliqués). Poursuivant le fil de l’intrigue jusqu’au bout, on s’étonne même qu’il s’agisse d’un one shot : la fin reste très ouverte, puisqu’il est question, pour l’un, des protagonistes d’une prochaine mission… Malgré quelques maladresses (proportions, encrages…), le dessin garde une certaine élégance qui participe là aussi à nous faire suivre l’aventure jusqu’au bout.
