L'histoire :
Alaska, au Nord de Kimsuk, trois jours plus tôt. Galloway et Lowesky arrivent sur le site d’une station pétrolière désaffectée afin d’y débusquer un homme qu’ils traquent depuis plusieurs jours : un Indien accusé de trahison. Convaincus qu’il se cache dans les ruines de ce lieu totalement désincarné, ils ratissent méthodiquement les hangars et bâtiments abandonnés. Mais leur proie les observe depuis les hauteurs. Posté comme un tireur embusqué, l’Indien ouvre le feu et abat Lowesky froidement. Pris sous les balles, Galloway se retrouve isolé et demande l’intervention d’un hélicoptère pour être évacué et neutraliser le fugitif. Après plusieurs tirs, l’indien quitte son perchoir et s’enfuit à motoneige à travers les étendues glacées. Refusant de le laisser disparaître, Galloway se lance seul à sa poursuite sur une autre motoneige, déterminé à lui faire payer la mort de son partenaire. La chasse s’enfonce dans une forêt dense où l’hélicoptère perd visuellement la trace du fugitif. Pensant l’avoir enfin rattrapé, Galloway descend de sa motoneige, mais il comprend trop tard que l’indien n’est plus là. Caché dans les bois, celui-ci surgit et l’abat à son tour avant de disparaître dans l’immensité sauvage de l’Alaska.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cet épisode de Rectificando, la saga du Triangle secret poursuit son déploiement tentaculaire en mêlant thriller géopolitique, complot industriel et western moderne. Dès les premières pages, Didier Convard installe une tension sèche et efficace : l’Alaska, ses étendues glacées, ses stations désaffectées, deviennent un véritable terrain de chasse où la loi du plus fort tente d’écraser les résistances locales. Le scénariste chevronné reste fidèle à ce qui fait la force de son écriture : une vision du monde clairement engagée, où s’opposent multinationales prédatrices et communautés humaines reléguées au rang de variables d’ajustement. Derrière Appaloosa Energy et ses méthodes de corruption, c’est toute une mécanique cynique du capitalisme extractiviste qui est mise en accusation. Le scénario joue habilement sur plusieurs niveaux : poursuites haletantes, affrontements armés, mais aussi moments de respiration où la psychologie des personnages reprend ses droits. On retrouve avec plaisir les figures récurrentes de la série : Jean Nomane, Karen, Anaïs (affaiblie par sa maladie) et Mattei, dont la mémoire eidétique apporte une vraie singularité aux enquêtes. Cette galerie de personnages empêche l’album de basculer dans une simple BD d’action : l’émotion, les doutes et les failles humaines irriguent constamment le récit. Graphiquement, Denis Falque livre une partition solide et lisible. Son dessin est particulièrement à l’aise dans les scènes de poursuite et de violence, où l’espace, le mouvement et la rudesse du climat sont parfaitement rendus. Les paysages enneigés participent pleinement à l’atmosphère du récit, renforçant cette impression de western du froid, âpre et sans concession. Pour quelques barils de plus s’impose ainsi comme un épisode sergioleonesque dense et maîtrisé.