L'histoire :
New-York 1967, dans une petite chambre de bonne, une jeune femme aux allures de Gavroche tape à la machine à écrire, un verre de scotch à portée de main. Elle s’appelle Valérie Solonas et n’a pas eu une existence facile jusqu’à présent. Elle n’a pour seul compagnon qu’un rat qui dort paisiblement derrière sa Remington et qui lui donne l’échange de temps en temps. Après plusieurs brouillons, la jeune écrivaine semble être satisfaite des premières lignes qui serviront d’introduction à son livre. Les propos sont suffisamment explicites : « Vivre dans cette société, c’est au mieux y mourir d’ennui. Rien dans cette société ne concerne les femmes. Alors, à toutes celles qui ont un brin de civisme, le sens des responsabilités et celui de la rigolade, il ne reste qu’à renverser le gouvernement, en finir avec l’argent, instaurer l’automatisation à tous les niveaux et supprimer le sexe masculin ». C’est ainsi que débute le SCUM manifesto (Society for Cutting Up Men).
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Valérie Solonas est une écrivaine, figure du féminisme radical. Cette américaine née en 1936 a connu des événements de vie dramatiques qui la marqueront à jamais. Abimée par la vie, elle aura une existence misérable, elle devra notamment se prostituer ponctuellement pour survivre. Toute sa vie, Valérie Solonas nourrira une haine viscérale pour les hommes et le système mondial aux valeurs patriarcales dans lequel elle a évolué. Sa vision du féminisme n’est pas égalitaire et elle peut se montrer d’une rare violence à l’égard des hommes. Valérie Solonas se fera connaître du grand public en tirant au révolver sur Andy Warhol : elle sera diagnostiquée schizophrène paranoïde avec une dépression profonde. Cette biographie nous permet de comprendre en partie les origines de cet extrémisme et cette hostilité vis-à-vis des hommes, sans pour autant les cautionner. Dès le début, on perçoit à bas bruit quelques troubles psychologiques chez cette jeune femme, sans pour autant qu’elle ait déjà sombré dans la folie. Au fil des pages, on devient spectateur de sa dérive progressive. Cette histoire ne laisse pas indifférent : le personnage tourmenté de Solonas peut déranger, fasciner, questionner, émouvoir, susciter de l’hostilité ou de la compassion. Théa Rojzman nous livre un scénario dense, sans parti-pris, avec une narration intense et fluide. Graphiquement, le trait réaliste de Bernard Muñoz est abouti. Il restitue habilement les épisodes de dédoublement de personnalité de Solonas.