L'histoire :
Angela Davis, une femme noire vivant aux USA dans les années 1930, se bat pour avoir le droit d’être libre. Elle est poursuivie par le FBI et recherchée pour avoir favorisé une prise d’otages dans un tribunal. Son crime : le fait d’être militante communiste membre des Black Panther. Angela a connu toutes les injustices subies par le peuple noir. Venant de Birmingham, cette femme extraordinaire a grandi dans l’Alabama des années 1960, époque où sévissait la ségrégation et où le Klux Klux Klan œuvrait avec la bénédiction du pouvoir. Elle a vécu la violence, les meurtres et les émeutes. Elle fait partie de ceux qui ont décidé de se lever et de ne plus accepter. En 1970, elle est traquée pour toutes ces raisons. Elle va devenir une légende, l’icône du peuple noir. Cette cavale montre une figure majeure du Black Power qui s’est illustré par ses actes. Les auteurs nous plongent au cœur d’une Amérique tourmentée par un combat toujours d’actualité, la mise en place égalitaire des droits humains. A l’époque, la communauté noire et la femme noire vivent des moments extrêmement difficiles. Angela le ressent dans sa chair depuis qu’elle est toute petite. Le fait de connaître l’amour et de vivre des instants exaltants va faire d’elle la femme à la fois remplie de tous les bonheurs et capable d’épouser les malheurs de son peuple. Ceux qui veulent salir son image ne seront pas récompensés car elle sortira grandie et plus forte encore de toutes ces épreuves. Ce qui est en jeu, c’est en définitive une meilleure connaissance de soi et des autres. Angela représente un exemple pour toutes ses sœurs et tous ses frères. Elle les rassemble sous la même bannière, celle des opprimés qui se révoltent. Ces derniers peuvent être fiers d’avoir une égérie comme Angela.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Fabien Grolleau propose ici une biographie romancée, un one-shot qui met en avant un fait marquant dans la vie d’Angela Davis, capable de passionner le lecteur. Grolleau resitue la traque à l’époque des années 1970, années de guerre civile. L'auteur est passionné par son sujet et nous offre une lecture vivante de cette société blanche, masculine et dominante sur une société noire, féminine et communiste. Le constat est l’échec des blancs à écraser les noirs et particulièrement la fière Angela. Groll s’est basé sur le véritable journal d’Angela qui se veut un thriller et une machinerie politique. Pour ce scénariste prolifique, l’écriture reste un plaisir et un cheminement personnel. Groll essaie d’être un historien comme les autres sans donner de leçons. Cette BD est articulée pour ouvrir des portes autour d’autres projets ayant pour propos Angela. La guerre civile est fort bien dépeinte. Groll met en exergue un personnage profondément humain avec des aspects moins clairs comme tout le monde. Cette femme réussit à vivre sa vie d’une manière exemplaire. Le scénariste montre l’image d’un président des USA macho et très dangereux. Groll décrit plusieurs combats : celui pour l’écologie qui passe derrière celui pour l’égalité des sexes. Il vit une véritable passion d’écriture et demeure avide d’acquérir un nouveau savoir. Ses sources d’information résident essentiellement dans les livres de la véritable Angela Davis. Fabien Grolleau n’a pas eu loin à chercher pour trouver un dessinateur, Nicolas Pitz, lui-même, intéressé au plus haut point par la phase d’écriture. Ici, il se contente avec brio d’illustrer. Pitz, c’est l’éternel complice de Groll. Son style résolument sublime fait de lui un champion des esquisses (douze pages de croquis de Pitz en fin d’album avec des entretiens passionnants des auteurs) et il nous offre le portrait fascinant de la folle vie de la Black Panther la plus célèbre. Pitz ressemble à une machine de guerre apportant un vrai décalage graphique à l’aspect documentation proposé par son complice Fabien Grolleau. Nicolas Pitz, dessinateur, coloriste et scénariste à ses heures prouve qu’il traite la couleur et le dessin de façon originale. Originaire du Congo belge, il a connu là-bas le personnage réel d’Angela et s’est emballé pour elle. Il sait aussi que le combat engagé par les féministes et Angela est loin d’être fini. Le graphisme semi-réaliste fait merveille car il reprend un personnage réel et en fait une créature de BD. C’est réussi. Certaines cases très chargées en personnages complètent avec bonheur la mise en pages. Dessinateur expressif, Pitz participe à l’écriture. Cette bande dessinée lui a apporté une compréhension accrue de la lutte pour les droits humains. Pitz a été marqué par la scène du gamin qui prend des gens en otages au tribunal. Après Miss Davis : la vie et les combats d’Angela Davis, Traquée est le second album de BD qu'il consacre à une héroïne malgré elle. Le destin d’Angela va avoir une portée collective. De nombreux flash-backs montrent à l’envi l’engagement de l’héroïne. Le récit est truffé de références au cinéma, par exemple, le discours de James Baldwin, extrait du film de Raoul Peck « I am not your negro ». On trouve aussi des anecdotes incroyables et véridiques avec l’histoire osée et un peu gênante de la pellicule photo qui montre Angela en petite tenue. Pour l’histoire d’amour, Fabien Grolleau a repris des extraits de la correspondance des amoureux et du récit Les frères de Soledad de Georges Jackson. Ce pavé de 152 pages se présente comme une œuvre engagée, un épais roman graphique passionnant, une histoire d’amour déchirante, un biopic, un thriller politique et un témoignage historique. Le dessinateur multiplie les cases pour montrer l’emprisonnement de l’amant d’Angela, Georges. Le lecteur se sent oppressé pour lui car il est facile de se mettre à sa place tellement les scènes se succèdent et sont fort bien agencées. Malgré l’abondance de documentation, le lecteur souhaite en savoir toujours plus sur cette période de guerre civile sanglante et sur tous les personnages, y compris celui du président machiste des Etats-Unis. On souhaite une suite à cet album car le personnage principal mérite qu’on s’y arrête plus longuement. On ne peut s’empêcher de vibrer. Toutefois, l’insistance des auteurs sur les mêmes faits peut aussi finir par lasser.