L'histoire :
Dans la famille Legroin, le fils Brandon a un devoir d'Histoire sur Jules César, à rendre le lendemain en classe. Son paternel Francis lui déconseille fortement de faire référence au dessin animé qu'il a regardé la semaine précédente, parce que « ça fait pas bien ». Mieux vaut dire qu'il a lu un livre, un vrai, en papier, même pas sur Internet ! Et comme il pense à tout (c'est quy' en a là-dedans), au cas où on lui demande le titre, il fait quelques recherches sur Wikipedia...
Ce jour là, Francis Legroin est déprimé : son adjoint au boulot a dernièrement exhibé, en réunion, une Rolex à son poignet droit. Dingue ça, alors qu'il n'a même pas encore 50 ans ! Afin de redorer son statut social (c'est vital), Madame Legroin accepte donc que son époux fasse péter le PEA...
Dans un supermarché bio, les Legroin repèrent deux individus qui ont le look de bobos : vestes militaires, mal rasés, cheveux longs... Chouette : ils savaient bien qu'en venant en pareil lieu, ils finiraient par en croiser. Ils leurs demandent aussitôt comment c'est qu'on fait pour devenir bobo, parce qu'ils aimeraient bien en être. Les deux hommes leurs expliquent qu'ils ont acheté La méthode bobo pour les nuls chez France Loisir. Tout est expliqué dedans, il y a même un DVD ! Ah et puis aussi, il faut pratiquer assidument l'amour anal...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après les brèves de comptoir fachos de Chez Francisque, après l'entourage paupérisé, alcoolisé et facho de Titine, Yann Lindingre singe cette fois la famille traditionnelle du français moyen et... facho ! C'est bizarre, on dirait que Lindingre n'aime pas les fachos ? L'auteur tourne certes toujours autour de la même problématique sociale, mais il le fait tellement bien... De même, son dessin met en scène toujours les mêmes personnages aux traits grossiers et aux faciès de cochons : là n'est certes pas non plus la plus-value de l'ouvrage. La structure de la bonne Famille Legroin est un ici archétype social : un papa, une maman, une fille et un fiston. Ils ont un emploi sans risque, sans grande ambition, un pavillon confortable et décoré avec mauvais goût, et ils s'abreuvent de culture TF1. Leur cervelle primaire leur permet d'appréhender leur monde par le bout le plus basique de la lorgnette et ainsi de construire leurs certitudes sur des amalgames d'informations jamais digérées. Et surtout, de manière à ce qu'ils en profitent un max, car leur devise familiale, c'est : « Tout pour ma gueule et ma gueule en premier ». A travers des historiettes de 3 à 4 pages, Lindingre les confronte aux derniers concepts sociaux à la mode : les bobos, la Rolex® à 50 ans, la religion (ouille), la mode, la recherche sur le net, les placements financiers, l'immigration, la politique (aïe), le choix crucial pour le tatouage... Et forcément ça fait mal. Et aussi, ça fait peur. Car si on reconnaît forcément les comportements de nombre de nos contemporain, en étant tout à fait honnête, on se reconnaît aussi parfois soi-même (par bribes, heureusement).