L'histoire :
En janvier 2019, pour faire face au vieillissement de la population, le parlement décrète que l'âge de la retraite passe à 79 ans. Cette mesure génère un radical conflit de génération. D'un côté, les vieux phagocytent tous les emplois, entrainant une terrible précarité chez les plus jeunes. D'un autre, ils pâtissent d'une vigoureuse gérontophobie et d'une implacable ségrégation : toilettes spéciales vieux, places de bus au fond... Les vieux font valoir leur expérience et leur sagesse ; les jeunes les traitent de zizis mous. L'ombre d'une guerre civile menace la civilisation. A l'assemblée nationale (composée exclusivement de vieux), on décrète que dorénavant les études seront courtes pour éviter les études à rallonge et le report des cotisations. Ainsi, la faculté de médecine propose une formation accélérée d'une semaine, à base de Dr Maboul'®. La multiplication des diplômes rapides entraine une généralisation des incompétences chez les jeunes, donc une baisse des salaires, donc des cumuls d'emplois... Il n'est donc pas rare de croiser des auto-école-banquier-gynécologues ou des puériculteurs-chimistes... ce qui aboutit au chaos chez les jeunes. Dès lors, l'heure des vieux est venue pour rétablir l'ordre dans la société.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cela fait des années qu'on nous le prédit et qu'on le sent venir : les progrès de la médecine ont abouti au vieillissement de la population, et à la métamorphose de nos repères moraux, politiques et sociaux. Dans la lignée de ce qu'elle avait déjà proposé chez Drugstore avec Le monde merveilleux des vieux, Laetitia Coryn pousse ici la problématique de la gérontocratie à son paroxysme, un soupçon de trashitude en plus. En effet, pour assoir leur domination sur les jeunes, dans un contexte de proche anticipation, les vieux génèrent le chaos et deviennent la « race dominante ». En introduction, une historiette de contextualisation (voir résumé) laisse ensuite place à un recueil de gags mi-figue mi-boudoir. Si certains épisodes jouent à merveille avec les problématiques sociales (l'emploi, le pouvoir d'achat), Coryn verse hélas trop facilement dans le scatologique facile. En effet, le ressort comique principal de l'ouvrage vient de l'équation basique : vieux = caca partout. Parfois les gags frisent ainsi le grand n'importe quoi, pour le seul plaisir de faire trash (le dentier spécial castration des chats ; l'engrais naturel retiré du fion des vieux rangés côte à côte à quatre pattes dans un champ...). Si en soi, on n'a rien contre ce type d'humour, un peu de tempérance et de variété aurait maximisé sa percussion. Coryn tire tout de même sa force d'un dessin évocateur dans un registre graphique bien en place...