L'histoire :
Depuis l’époque coloniale, les Algériens subissent des humiliations : occupation coloniale, misère sociale, traitements médicaux forcés… En 1914, la première guerre mondiale éclate et beaucoup d’Algériens sont mobilisés. N’ayant aucun droit, les soldats musulmans sont en plus traités de la même façon que les soldats français et forcés de manger du porc ! Après la guerre, certains dirigeants algériens se battent pour donner plus de droits à leur peuple. Dans les années trente, profitant de la vague socialiste française, les Algériens peuvent désormais être syndiqués. En 1934, avec le Front Populaire, les Algériens manifestent, main dans la main avec les travailleurs européens. Pourtant, l’état français intervient régulièrement et étouffe les manifestations. Le Mufti Bendali est assassiné, ce qui arrange les autorités françaises pour tuer les révoltes. La seconde guerre mondiale éclate et les Algériens souffrent sur tous les fronts : mobilisation en France, guerre en Afrique du Nord, bombardement allié. A la libération, les Algériens se mobilisent sérieusement et demandent l’indépendance de l’état algérien… un vrai problème que doit affronter le Général de Gaulle.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
El Djazaïr est un album initialement publié en 1970 qui avait été commandé par l’état algérien. La bande dessinée devait être le pendant du film La bataille d’Alger, réalisé par Gilles Pontecorvo, avec pour objectif de renseigner le peuple algérien (et français) sur les origines de la guerre d’Algérie. Sans remonter jusqu’aux conquêtes de Napoléon, l’œuvre démarre sur le XXème siècle et la période coloniale, reflet d’un malaise entre un état autoritaire et un peuple soumis. Chaque page insiste sur la bêtise des occupants français qui ne s’adaptent pas aux coutumes algériennes. Certains épisodes anodins, extraits de la vie quotidienne, sont ahurissants : les médecins qui forcent les femmes voilées à lever leur robe pour piquer leur postérieur, les soldats algériens mobilisés qui sont sommés de manger du porc… Ces épisodes, issus de la petite histoire, montrent bien l’oppression subie par le peuple arabe. Les auteurs peignent également une galerie de personnages qui ont participé au malaise entre les deux pays : beaucoup de Français obtus et à la limite du racisme ont constamment maltraité les Algériens : hommes politiques corrompus, militaires gradés sanguinaires et police répressive. Du début du XXème siècle jusqu’aux années 50, la situation politique s’est constamment tendue. La faute à des dirigeants malhabiles qui ont provoqué des évènements de plus en plus violents : émeutes, assassinats, arrestations en masse, répressions sanglantes… L’album est très bref et présente une période courte de l’histoire d’Algérie. Les auteurs tracent les grandes lignes de certains évènements essentiels sans trop charger le récit. Luis Garcia, Felipe H. Cava et Adolfo Usero préfèrent apporter des précisions historiques dans les annexes beaucoup plus documentées et détaillées. Les annexes offrent ainsi des éclaircissements bienvenus sur les épisodes de la bande dessinée et se divisent en deux parties : les personnages marquants de l’Histoire et les évènements qui ont fait l’Histoire. De manière dure et sans concession, les auteurs accusent ouvertement la France d’avoir provoqué la guerre d’Algérie et d’avoir opprimé tout un peuple qui n’avait même pas le droit de protester. On comprend alors mieux la haine du monde arabe vis-à-vis des européens qui ont abusé de leur pouvoir. Luis Garcia, ancien révolutionnaire espagnol contre le régime Franco, dénonce le système colonial dans des textes violents et accusateurs. De plus, le dessin est très réaliste et montre des scènes chocs. Notons aussi que cette page noire de l’Histoire de France n’avait jusqu’alors jamais été publiée en France, alors que l’œuvre date de… 1970 ! Ici-Même Editions a le mérite de remettre au goût du jour ce brûlot, à travers une superbe édition agrémentée de nombreux suppléments : références historiques, bibliographiques, interview de Luis Garcia, témoignages de Français d’origine algérienne (dont Mourad Boudjellal). Un travail didactique impressionnant et passionnant, même si le parti-pris est parfois radical.