L'histoire :
Lucia est une petite fille partageant sa vie avec son frère aîné Fede, ses deux parents et sa grand-mère paternelle. Celle-ci déteste sa belle-fille, à laquelle elle reproche de ne pas assez aimer son fils. Lui se bat avec sa femme régulièrement, et mène une vie un peu fantomatique dans la maison. Lucia fait d'étrange rêves, ou plutôt, s'est inventée un monde parallèle fait de cafards venant la harceler physiquement et d'inquiétantes souris géantes à formes humaines, l'entraînant dans des lieux pas faits pour son âge... Ne serait-ce pas en fait une métaphore des choses que son père lui fait subir régulièrement, en secret ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cécilia Lucia Gato Fernandez est une jeune autrice argentine dont c'est ici le premier album français. Bien qu'elle milite activement dans son pays pour le droit des femmes, et qu’elle soit responsable de nombreux comics et illustrations sur le sujet, elle n'a pas encore une grande expérience de récit sur la longueur. Cela se ressent un petit peu dans le déroulement de son histoire très personnelle où, en effet, l'utilisation des prénoms ne permet pas de comprendre toujours clairement qui est qui dans cette famille. Néanmoins, elle fait preuve d'un beau courage, d'une poésie certaine, relayée par l'utilisation métaphorique et kafkaïenne du cafard, pour dénoncer les travers de son père, qu'elle représente parfois comme une simple silhouette fuyante. L'allusion au refuge qu'elle trouve, soit auprès de « Dieu », représenté par un bidet, soit auprès d'une colline apparaissant avec la musique que son frère lui passe, est intéressante, poétique, et un peu plus compréhensible, pour la petite fille qu'elle est sensée être, ou ses jeunes lecteurs, que les bouges où elle se retrouve en compagnie d’étranges souris. Son dessin, assez minimaliste, qui évoluera avec le temps on l'imagine, pourrait trouver une comparaison dans un mélange entre la tradition du Mafalda de Quino et la BD alternative plus moderne de son collègue américain Noah Van Sciver. Il s’agit, cela dit, d’un album fort, prometteur, tout public à partir de 10 ans accompagné, dont la présentation cartonnée aurait néanmoins été tout aussi pertinente en format souple.