L'histoire :
Dans une cave obscure, un caisson de cryogénisation se met en branle. A l’intérieur, un homme en combinaison intégrale et capuche blanche se réveille. Il s’extrait de la coque, tousse, reprend ses esprits, se demande ce qu’il fiche là. Il lui semble apercevoir une ombre assise contre un pilier et lui tape sur l’épaule… le squelette s’effondre sous forme de poussière. Le « dormeur » défonce l’unique porte, barricadée de l’extérieur. Il se retrouve dans une coursive bétonnée toute aussi lugubre. Il avance et trébuche… contre le cadavre d’un homme dans le dos duquel a été fiché un long couteau. Il est encore interloqué lorsque se présente une grosse femme tenant une caisse de boîtes de conserve en mains. Elle hurle et s’enfuit, prenant l’homme pour l’assassin. Une sirène retentit. L’homme comprend qu’il est dans la merde. Mais où est-il donc ? Pourquoi n’est-il pas sur Io ? Il se planque sous la table d’une pièce. Un type barbu et costaud, avec une peau de bête, entre dans la pièce. Il lui demande calmement de sortir de sous la table. Ils vont s’expliquer. Le « dormeur » pensait être en voyage interstellaire vers Io… En réalité, il a été oublié dans son caisson depuis 20 ans sur Terre. Il se réveille au sein d’une communauté qui tente de survivre à l’apocalypse dans un immeuble en autarcie. Et tout le monde le prend pour l’assassin de Luis, le préposé aux conserves…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce Dormeur épouse toutes les dimensions du polar post-apocalyptique, parfaitement réjouissant dans les deux registres. D’emblée, le scénariste argentin Rodolfo Santullo nous surprend par le contexte, à la fois désespéré et terriblement réaliste : voilà notre humanité dans une poignée d’années, après qu’on soit parvenu à ne rien faire pour nous épargner l’autodestruction annoncée. On comprend les évènements en avançant petit à petit, à mesure que le héros enquêteur les découvre lui aussi. Avec sa combinaison intégrale aussi couillonne que celle des Télétubbies, ce personnage central de « Dormeur » ressemble à un homme du futur… mais il est un homme du passé : il a simplement été oublié dans son caisson de cryogénisation, alors qu’il espérait se réveiller sur Io (une lune de Jupiter), où les riches survivants se sont constitué une colonie. Cet avenir atroce dans lequel il devra rester pour toujours est aussi aride et désertique que celui de Mad Max. D’ailleurs, une communauté ennemi est baptisée « les madmax » et elle n’est franchement pas sympa (on vous laissera découvrir pourquoi)… Cependant, le décorum joue essentiellement sur le huis clos d’un immeuble en ruine ; et la problématique désigne une enquête sur un meurtre qu’il est sommé d’élucider. Santullo découpe l’intrigue en 11 chapitres, qui font chacun progresser l’intrigue dans une direction. C’est savoureusement construit, imprévisible, oppressant, avec ce qu’il faut de profils psychologiques retors et attachants parmi les persos. Le dessin semi-réaliste stylisé et très souple de Carlos Aon est parfaitement au point et joue admirablement sur les ambiances claires-obscures avec ses effets de bichromie suffocants. Une excellente surprise venue d’Argentine !
