L'histoire :
21 mars 1818 : Simon, jeune homme tout juste majeur, embarqué d’Espagne sur un bateau en direction de l’Amérique du Sud, doit rejoindre le colonel Olaguer dirigeant le régiment du fort de Santiago. Ce dernier l’a en effet connu enfant, alors qu’il quittait en hâte le pays tandis que sa mère était condamnée à mort pour trahison. C’est lui qui lui a permis d’être accueilli par sa propre tante, à Valparaiso où il a débarqué. Arrivé seul à cheval à Santiago, dans une région austère et semi désertique, Simon va être nommé sous-lieutenant par son ami colonel, luttant contre les royalistes de la junte espagnole, alors en rébellion contre les velléités d’indépendance du jeune pays amené à devenir le Chili. A la recherche de ses origines, le jeune débutant va devoir apprendre la vie, et aussi choisir son camp...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Prépublié en France en 1992 dans le numéro 55 de la revue Vécu des éditions Glénat, ce superbe récit a connu deux éditions en album, en 1993 puis 1999. Un peu oublié depuis, il est remis en lumière dans une nouvelle présentation avec bonus documentaires et traduction par Thomas Dassance, éditeur spécialiste des auteurs d'Amérique du Sud. Le duo argentin talentueux, Carlos Trillo et Eduardo Risso, amené à produire de nombreuses œuvres de qualité, débutait à l'époque sa reconnaissance en France, après la publication du long récit Fulu (5 albums entre 1989 et 1992), lui aussi prépublié (en partie) dans la revue BD historique incontournable de l'époque. Si ce premier récit se déroulait au Brésil, c'est du Chili que le duo nous parle ici, celui de son indépendance en cours. Le début de l'histoire d'un pays, où l'on se bat selon la couleur de sa peau, l'origine de ses parents, sa condition sociale ou l'envie de liberté, plus simplement. Carlos Trillo délivre un récit particulièrement bien écrit, nous entraînant dans une histoire de découverte de ses origines, qui bifurque bien vite dans une ambiance western (« Southern » dira-t-on) digne des meilleurs auteurs du genre. On pense bien sûr à des séries se déroulant dans le Sud, comme certains Mac Coy, où le décor « hispanisant » désert, uniformes, hacienda... a souvent été traité. Pourtant, un petit air d'Alvar Mayor, plus ancien mais plus juste géographiquement, nous étreint. D'autant plus que Carlos Trillo en est aussi l'auteur, et que le noir et blanc est ici la règle. On ne pourra justement évoquer Simon sans insister sur la beauté incomparable des cases d'Eduardo Risso, qui a réalisé là sans nul doute l'une de ses plus remarquables œuvres graphiques. On est ébahi pratiquement à chaque page par l'une ou l'autre case gorgée de noirs proposant des contrastes saisissants, faisant ressortir les lumières du jour ou les ombres de la nuit avec une force poétique, des angles inventifs, des clairs obscurs jouissifs. Eduardo Risso fait vibrer les âmes des personnages et les paysages arides du décor comme personne, avec son pinceau. On comprend dès lors pourquoi cet album en est à sa quatrième publication. Il est temps pour vous de la découvrir et de succomber à son charme.