L'histoire :
Sahra Halgan, née Sahra Ahmed Mahmoud en octobre 1969 à Hargeisha, Somalie, vit heureuse jusqu’à son adolescence, en 1983, alors que la dictature de Siad Barré transforme son pays en zone de guerre insupportable. Bien que la résistance s’organise tant bien que mal, les malheurs vont accabler cette partie de la corne d’Afrique, limitrophe de la Somalie, de l'Éthiopie, de Djibouti et du Yémen, durant pratiquement dix ans. Sahra, courageuse et engagée, et ayant révélée son talent de chanteuse dans son village, est cependant rattrapée par les événements cruels et tragiques. Elle doit finalement fuir alors même que le dictateur est renversé en 1991, tandis que ce protectorat britannique s’autoproclame indépendant en 1991, mais qu’il se déchire en lutte intestines. Réfugiée en France, elle va vivre de petits boulots alimentaires, tandis que sur ses congés, elle parcourt le monde avec le Sahra Halgan trio, témoignant de la culture somalilandaise.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dire que nous connaissions le Somaliland avant cette lecture serait mentir. Comme pour beaucoup, les journaux télévisés sont notre principale source d’information, et pas vraiment pour le meilleur. C'est tout l'intérêt de ce nouveau titre de l'excellente collection Autobio : redonner à ce pays une histoire, une identité, une âme. Clément Goutelle, responsable d'un article sur Sahra pour sa revue Barré (dans le numéro 7 de 2015), la rencontre à plusieurs reprises afin de raconter son histoire. Il prend le parti d'axer ce récit sur le personnage d'une jeune femme forte, amoureuse de son pays, et dont la voix et le chant vont redonner espoir à des milliers de Somalilandais perdus dans la tourmente d'une guerre fratricide, oubliée de tous. Ce parcours de vie, retranscrit à partir du témoignage direct de Sahra, à la première personne, est riche de réalisme et d'enseignements, de valeurs aussi. Sa musique n'est finalement qu'un moyen qui aura permis à Sahra de voyager et de réaliser des rencontres dans le monde entier, de celles qui lui permettront de lier amitié avec le dessinateur Max Lewko, à Lyon, lors d'un concert avec son groupe en 2018. Ce dernier met son talent au service du récit, dans un style alternatif et lâché, oscillant entre Craig Thompson et Leah Touitou, sa « marraine » d'édition, qui lui a d'ailleurs servi de guide en lui proposant un storyboard. Son trait ample et son encrage assuré lui permettront, n'en doutons pas, d’être revu prochainement ailleurs. Clément Goutelle, de son côté, développe un récit bien documenté et honnête, choisissant de montrer l’humanité et la condition de Sahra qui, en dehors de ses tournées, retourne à son travail de ménagère, comme pour rappeler la dure condition des femmes, la dure condition de son pays, dont la légitimité n’est toujours pas reconnue par la communauté internationale. Un beau pays qui peut pourtant s'enorgueillir d'un riche passé patrimonial culturel (découverte officielle des peintures rupestres néolithiques de Laas Geel en 2001), « d'un président élu démocratiquement, un drapeau, des institutions, des écoles... » Somaliland donne envie de le découvrir et donne envie d'écouter le Sahra Halgan Trio. Pari réussi donc.