L'histoire :
Depuis la mort de leurs parents, deux ans plus tôt, lors du tsunami qui a ravagé la région de Fukushima (2011), Osamu et Akiko vivent avec leur grand-mère Bâ-Chan. A l’opposé de sa grande sœur lycéenne, qui commence à devenir une vraie influence avec ses tutos maquillage sur les réseaux sociaux, Osamu n’est plus trop sociable… du moins avec ses camarades d’école. Car Osamu discute sans cesse avec tout un tas de yôkai, ces fantômes malicieux et aux formes variables, qui hantent chacun un endroit précis. Akiko a beau lui rabâcher que les yôkai, c’est des légendes pour les enfants, Osamu les voit, lui. Et il interagit avec eux, quitte à s’aventurer dans des zones protégées car encore chargées de radioactivité. Hélas, un matin, la vieille Bâ-Chan ne se réveille pas. Ils doivent l’incinérer et aller vivre chez leur cousine adulte Sanae et son conjoint râleur Seiichi, à Tokyo. Osamu refuse catégoriquement, car cela signifie abandonner tous les yôkai qui vivent ici… Très attaché aux traditions, il veut absolument déposer l’urne contenant les cendres de Bâ-Chan dans sa fermette de Tomioka, au cœur de la zone rouge irradiée. Après d’âpres négociations avec Seiichi, qui est profondément radiophobe, une excursion encadrée, rapide et protégée par des combinaisons lui est accordée jusqu’au cimetière voisin de Minamisôma…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Malgré la culture et le cadre japonais, cet album n’est pas un manga, mais sans doute l’une des meilleures BD franco-belges sur les yôkai. Petit rappel de ce que sont les yôkai : des petits fantômes malfaisants ou malicieux, qui hantent des lieux ou des objets précis. Ils ont dérivé, entre autre, vers les pokémons et ils sont le sujet du célèbre film d’animation Princesse Mononoké des studios Ghibli. Dans cet album, ils interagissent régulièrement lors du road-trip obsessionnel et dangereux qu’effectuent deux orphelins pour rapporter les cendres de leur grand-mère en plein cœur de la zone irradiée de Fukushima. Le récit se déroule en 2013, soit deux ans après la fameuse catastrophe qui a inscrit une prise de conscience durable chez les japonais. Avec cette histoire sensible de deuil emprunte de poésie et de tendresse, qui prouve une excellente connaissance des traditions et de la culture japonaise, le scénariste Laurent Galandon fait plus une invitation au débat et à la vigilance, qu’un plaidoyer antinucléaire. Il offre en double lecture un reportage sur les « ruines » irradiées de la catastrophe et sur le traumatisme qu’elle laisse au sein de la société japonaise. Le dessin est porté par Michaël Crouzat pour qui il s’agit du premier album. Néanmoins, l’artiste travaille depuis longtemps dans l’industrie de l’animation (chara-designer, layout, storyboarder) et ça se sent dans ses cadrages aboutis et le rythme séquentiel impeccable, en dépit de limites dans les faciès des personnages.