L'histoire :
Satchmo est un gamin qui vit dans les quartiers noirs de New Orleans, et qui, lorsqu'il rentre le soir, trouve souvent sa mère dans un état proche de la dépression. Il lui prépare à manger, puis va passer la soirée sur le toit du Lala's Bar où joue l'orchestre de King Joe, le meilleur trompettiste de la ville. Trop jeune pour entrer dans l'établissement, il danse littéralement sur le toit, tout près de la grille métallique qui offre une vue plongeante sur la scène. King Joe connait Satch, son plus jeune fan, et il lui offrira ce jour-là le premier cornet avec lequel il a joué. C'est un trésor pour le gamin, qui ne sait pas encore en jouer, mais qui va vouloir apprendre le plus vite possible. C'est à la même période que King Joe découvre qu'un de ses morceaux a été pillé par un orchestre de musiciens blancs, qui ont pu enregistrer un disque et se faire connaître comme le premier groupe de jazz. Une injustice de plus pour le jeune garçon noir qui comprend que les portes des studios ne sont pas encore ouvertes à ceux de sa couleur de peau. Un soir, alors qu'il joue avec une arme à feu trouvée chez sa mère, il se fait arrêter par la police, et entame une peine de détention dans un centre spécialisé. Il s'évade, est rattrapé, et va finalement purger quatre ans, durant lesquels il va apprendre à jouer de son instrument.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Leo Heitz ne réalise pas ici une biographie de Louis Armstrong jeune, mais il s'est inspiré d'évènements qui sont arrivés au grand musicien pour inventer un passé plus que trouble à la future star mondiale. Il y a une dimension sociale autour des musiciens noirs, des relations mère-fils inversées avec une prostituée dépressive et dépendante, de la tristesse, de la violence et un espoir lointain autour des promesses de la musique. Les personnages sont représentés sous formes de rats et de souris, un choix qui rappelle la bande-dessinée des débuts, évidemment, mais aussi certaines œuvres plus contemporaines où ce choix libère la complexité du propos. Essentiellement en trois couleurs plus le rouge, l'album est moderne dans sa forme, rapide dans son déroulement, les quelques 200 pages permettent vraiment de suivre la progression de Satchmo vers l'âge adulte, dans un monde dont il s'approprie la dureté. La musique n'est finalement qu'une toile de fond pour raconter l'affranchissement d'un fils de prostituée noire dans une Amérique encore très loin de l'égalité raciale. Armstrong n'apparaitra presque pas, mais on imagine ce qu'il a fallu de force et de caractère au trompettiste et chanteur dans la Nouvelle Orléans, puis Chicago et New York, avant la renommée mondiale.