L'histoire :
Sophie Darcq n'a pas revu son pays d'origine depuis son adoption en 1980, et c'est avec une certaine appréhension qu'elle va accompagner sa sœur Virginie, l’avant-dernière d’une fratrie féminine de cinq, pour aller visiter à son tour sa famille biologique, lors d'un voyage en 2004. Profitant tout d’abord d’un dernier voyage préparatoire de sa sœur, qui leur laisse, à elle et son compagnon son appartement de Bruxelles, elles vont ensuite se replonger dans des anciennes photos dans la maison familiale adoptive à Limoges, avant de programmer son voyage. Celui-ci se fera durant l’été 2004. Là, ne parlant que des bribes de la langue locale, elle va suivre comme un petit chien Virginie, découvrir un pays qui lui est étranger, et participer à des échanges un peu superficiels avec des cousins, cousines, oncles et tantes, avant d’enfin passer quelques moments avec leur mère biologique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Déjà en relation avec le milieu de la bande dessinée à l'époque, Sophie Darcq va, à son retour, être accueillie à la maison des auteurs d'Angoulême pour une résidence entre août 2005 et août 2007. Ce voyage va lui permettre de rembobiner quelque peu sa vie et rattacher celle actuelle avec ses racines oubliées. Si on pouvait s'attendre à une démonstration de poncifs touristiques et du pathos à revendre, il n'en est rien. Car Sophie Darcq ne sur-joue pas et donne à voir la réalité dure d'une enfance arrachée, qu'un nouveau foyer étranger bienveillant a pu aider à accompagner. S'il est un sujet difficile et assez peu souvent adapté en bande dessinée, comme le souligne Fabrice Neaud dans sa préface, c'est bien l'adoption. Et l’on tient là le ressenti hyper réaliste d'une femme ayant presque oublié d'où elle vient. 24 ans de vie française, et un retour aux sources, pour comprendre la douleur d'une décision jamais évidente, cela n'est pas simple à coucher sur le papier, surtout en dessins. Mixant les extraits souvenirs de correspondances plus récents avec une amie et les épisodes de passages en famille(s), elle utilise pourtant différents styles graphiques, tous au trait et en noir et blanc : l'un très cartoon, sous forme de strips, et les autres plus ou moins réalistes, allant jusqu'à offrir de superbes cases où l'encrage ample et de subtiles aplats noirs se confondent avec de belles surfaces hachurées. On restera aussi sans voix face à de magnifiques paysages minéraux. Cette œuvre, dont les 30 premières pages ont été publiées dans la revue coréenne des éditions Sai comics en 2010, a aussi connu une vie sur le site web de feu les éditions Ego comme X, dont on perçoit d'ailleurs aisément l'influence artistique. Ce beau petit format à la présentation sobre et soignée ravira les amateurs de romans graphiques autobiographiques, même si l'expérience très personnelle de Sophie Darcq peut sembler par moment un peu difficile à appréhender. Une découverte au moins graphique que l'on a hâte cependant de retrouver.
