L'histoire :
Au milieu d'un désert, se retrouvent toutes sortes d'animaux : le chat Mosh, une pie, des oiseaux, et même des êtres humains. Un bûcheron ou une princesse perdue. Nicodème, lui, est un volatile projeté au cœur de ce no man's land. Au hasard des rencontres, il s'interroge sur le sens de la vie, l'existence de Dieu, philosophe ou erre en quête d'une connaissance supérieure sur lui-même. Mais « la vie est si mystérieuse », que nos inattendus personnages n'en ont pas fini avec le désert... Car le temps divin est infini...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'auteur espagnol Max livre ici une fable philosophique qui lui permet d'interroger le sens de l'existence, loin des discours ronflants ou de récitatifs à n'en plus finir. Dans un désert blanc, sorte d'univers métaphysique pourtant très concret, et à l'appui de mots simples portés par l'élégance du dépouillement graphique, il décrit un volatile en quête de vérité sur lui-même, qui s'interroge, pense ou expérimente toutes sortes de situations : le vide ou le manque, la faim, le temps, les rêves. Il dialogue aussi souvent qu'il se métamorphose, pour se fondre dans un paysage d'une épure éthérée, comme pour faire corps avec l'idée d'une sérénité retrouvée, seulement possible à condition d'oublier le passé et les souvenirs qui hantent pour tendre vers une sagesse tant espérée. Dans son voyage, il finira par rencontrer un ordre supérieur incarné par Vapor, Dieu ou autre chose qui y ressemble. Mais pour y parvenir, il faudra à Nicodème explorer la dilatation du temps qui passe, transformé en ennui, déjouer les faux-semblants et éprouver l'errance dans sa forme la plus pure. Graphiquement, un bel équilibre tout en finesse ; la sobriété narrative précède, succède ou fait écho au foisonnement graphique déployé ici ou là, sans s'interdire des pauses méditatives d'une grande force. C'est d'ailleurs lorsque l'économie de moyen est à son comble que le dessin suggère le plus. Cette BD fait d'ailleurs penser aux dialogues de l'absurde des pièces de Beckett ou aux décors dématérialisés d'Herriman dans Krazy Kat. On fait pire comme références. Voilà l'une des sorties les plus enthousiasmantes de la nouvelle maison d'édition de Jean-Christophe Menu. Et comme le dit Vapor, est-ce que nous inventons le monde à chaque instant pour ne pas nous confronter à l'horreur suprême du vide le plus absolu ? Une méditation séquentielle en forme de réponse et un choix cornélien à faire : se fondre en Vapor pour l'éternité ou se laisser pourrir dans le désert...