L'histoire :
Après avoir passé l’hiver à l’abri des rigueurs dans une baie Sud-américaine, les marins pourtant aguerris et habitués à parcourir les mers dans des conditions extrêmes et souvent peu confortables, sont à bout de nerfs. Ils en veulent à Magellan de leur infliger ce régime. Ils lui en veulent également de taire ce qu’il sait sur le détroit qu’ils recherchent. Étant le seul à posséder une carte de cette partie du globe, l’amiral s’est mis tous les capitaines espagnols à dos en la gardant pour lui seul. C’est d’ailleurs ce besoin de voir ladite carte qui fait que la grande majorité des autres vaisseaux sont prêts à la mutinerie. Le passage à l’acte est prévu au lendemain de Pâques, jour qui a vu tous les capitaines, à l’exception de Mesquita, cousin de Magellan, refuser l’invitation à dîner de l’amiral. La mutinerie a pour but de forcer Magellan à révéler sa carte. Carte au moins en partie fausse, sur laquelle il s’appuie depuis le début pour justifier la folle expédition aux confins des mers connues. Conscient du risque qu’il court, Magellan a malgré tout une stratégie, qui lui permettra de garder le contrôle des cinq navires. Cela au prix de quelques exécutions et de l’abandon sur une île de ceux qui ne peuvent être punis par la mort, le cousin du roi d’Espagne et un moine proche de la tête du royaume hispanique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’Histoire est en marche dans cette aventure épique, contée graphiquement par Antoine Cossé. L’action se déroule quelque temps avant la découverte du détroit qui portera son nom et qui fera de Magellan le premier homme à franchir ce cap entre Atlantique et Pacifique. Au XVIème siècle, la vie est rude, elle l’est encore davantage en mer, sur des vaisseaux affrétés depuis des mois et dont l’équipage est en proie au doute. Un doute légitime, par ailleurs, puisque Magellan a tout misé sur un coup de bluff depuis le départ. A force d’insister, il a en effet décroché une audience auprès du roi et ainsi réussi à le convaincre de financer son expédition. Le propos est tout à fait légitime, la période choisie aussi et le fond du récit est particulièrement riche, touchant à tous les aspects de la vie des marins de l’époque. Traitant des travers et des folies de certains, des traumatismes induits par cette vie en mer et plus généralement de la tension ambiante qui existait à cette époque où les pionniers étaient défiés par tous, jusqu’au moment où, pour certains comme Colomb ou Magellan, ils touchaient enfin au but. C’est la forme qui pêche dans cet ouvrage et l’option du roman graphique révèle ses limites quand il s’agit de mettre un peu d’ordre dans la chronologie et les personnages concernés. En fait, le trait est tellement imprécis qu’il est difficile d’identifier les personnages, de les reconnaître et ainsi de bien coller au récit, pourtant prenant avec des ambiances bien rendues. Tout est à plat, les vignettes sont réduites à leur simple expression, peu de décors, pas de perspective, tout est minimalisé. Le manque de précision engendre trop de perte de sens, comme cette forme noire qui parle à Magellan, et qui ramène le prêtre à terre à la fin du roman… qu’est-ce donc ? Ni une hallucination, ni l’amie imaginaire de Magellan, puisqu’elle sauve un homme de la noyade. Alors ? Ange gardien ? Le dos d’une baleine bienveillante ? Un narrateur (mal) figuré ? C’est dommage, parce que l’ensemble tient pourtant la route, ou plutôt la mer, malgré beaucoup d’approximations dans la forme. Gageons qu’avec le temps, Antoine Cossé ajoutera la maturité visuelle à celle scénaristique dont il est déjà capable.