L'histoire :
Le 15 juin 1904, le PS General Slocum (du nom d’un général foireux de la guerre de sécession), un bateau à vapeur et à aube, embarque ses passagers sur un quai de l’East River à New York. Une communauté d’émigrés allemands s’apprête à aller fêter la fin de l’année scolaire au parc de plaisance de Locust Grove, avec des familles, des enfants et un grand pique-nique à la clé, encadrés par le pasteur Haas. Il fait beau, une fanfare joue des rengaines allemandes, l’ambiance est décontractée. Un des matelots peine à hisser à bord un lourd sac plein de copeaux de bois. Mais lors d’une chute, un paquet de copeaux en tombe, qu’il n’arrive pas à remettre dans le sac. Alors le matelot cache le tas rapidement dans la première cabine venue. Dans celle-ci, sont stockés du pétrole, de la peinture, des produits d’entretien. A un autre endroit, d’autres matelots finissent de repeindre des chaloupes. Dans le poste de pilotage, le capitaine Finnigan donne ses ordres à l’apprenti qui tient la barre. Le signal du départ a été donné, le navire n’a qu’à suivre tranquillement la rivière, tout droit. Le capitaine a le temps de se servir un thé. C’est alors que le pasteur, un homme pénible, décide de lui rendre une petite visite…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La catastrophe du Slocum, survenue le 15 juin 1904, reste à ce jour la plus grande tragédie de la Marine fluviale civile américaine. A la suite d’une succession d’évènements tragiques et d’un entretien à bas coûts, ce gros steamboat (80 m de long) de l’East River, qui avait 13 ans d’utilisation, s’est en effet échoué en feu sur les côtes de la North Brother Island – où se trouvait un hôpital de quarantaine pour les infectieux. Bilan : plus d’un millier de morts (presque autant que pour le Titanic, 8 ans plus tard). Pour la plupart, ils sont issus d’une communauté protestante allemande et ils allaient faire un pique-nique géant pour fêter la fin de l’année. C’est justement un auteur allemand, Jan Soeken, qui nous raconte cet accident authentique dans cette BD petit format à l’italienne, publiée par l’Employé du Moi, à l’aide d’un dessin crayonné, dénué de couleur, tout simple… très simple. Les proportions et les perspectives sont en effet souvent sommaires, bien qu’on sente la volonté de sobriété due à la dimension mémorielle de la catastrophe. La sobriété se ressent un peu moins dans le traitement narratif, qui allège la retranscription factuelle par des interprétations fictionnelles étrangement burlesques, notamment lors de la visite du pasteur (ultra pénible) dans la cabine de pilotage, à propos d’un cadre de travers. Bref, ce traitement singulier d’un naufrage authentique a au moins le mérite de nous en restituer la méconnue succession des faits.