L'histoire :
Mat est embauché par Médecins du Monde et il suit un séminaire à Porto sur les Réductions des Risques. Ernst Wisse, un expert dans ces questions, lui propose alors un drôle de travail : être présent pendant plusieurs semaines dans une salle de consommations à moindre risque, appelée familièrement « salle de shoot ». Mat hésite car il ne connaît pas bien la question et il est plein d’idées préconçues. Ernst lui explique que c’est un endroit où l’on limite les risques pour les usagers, un endroit qui peut sauver des vies. L’artiste demande naïvement s’ils aident aussi les consommateurs à se sortir de la drogue. Ernst prend la mouche : ça veut dire quoi s’en sortir dans la vie ? Un drogué vaut-il moins qu’un employé de bureau ? Toujours est-il que Mar accepte le challenge. Le voilà dans ces locaux très bien organisés et tenus par une quinzaine de membres de l’association Gaia. Il démarre par une après midi accueil en suivant les entrées des usagers. C’est un défilé incessant avec des termes techniques complexes et des pratiques très réglementées. Mat n’est pas arrivé au bout de ses surprises...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a des sujets documentaires plus « faciles » et attractifs que d’autres. Ici, on est clairement dans le complexe et le peu engageant. La drogue dure, la salle qu’on appelle péjorativement « de shoot », les sans-abris, les squats… Mat Let n’a pas fait dans la facilité avec un sujet vraiment difficile et douloureux. Peut-être même tabou. Et c’est particulièrement pour cette raison qu’il faut lire cette BD. Si le sujet est délicat, la façon de le traiter est on ne peut plus simple. Let se met en scène en toute authenticité et raconte son quotidien à la découverte de l’association Gaïa qui s’occupe des « toxicos ». On suit donc tout type d’activité dont on ne soupçonne même pas l’existence, comme ramasser les seringues usagées, être présent sur le terrain et distribuer du matériel ou faire de l’accueil et des soins. Parler de la drogue, c’est aussi parler de la misère de la rue. Avec beaucoup d’humanité, Mat Let dessine des personnes ravagées, qui tentent pourtant de s’en sortir avec la croix qu'ils traînent au quotidien. L’ouvrage est étonnamment complet et tout y est abordé, que ce soit l’aspect scientifique de la dépendance, l’aspect médical et les enjeux politiques d’assainir les quartiers parisiens. Se pose aussi la question de l’intolérance des voisins qui ont du mal à accepter la Salle de Consommation à moindre Risque. Instructif donc, mais aussi émouvant avec des moments forts : la colère du dessinateur devant les employés de la SNCF qui chassent un SDF, les témoignages durs des SDF qui racontent leur parcours cabossé, l’émotion d’une employée qui raconte comment elle a réussi à laver un handicapé qui vit dans la rue… Il y a des moments drôles aussi avec une usagère qui critique le vaccin contre le Covid alors qu’elle se pique régulièrement ! Le tout avec un magnifique dessin, réaliste et vivant à la fois. Un documentaire que vous pouvez découvrir sans risque !