L'histoire :
En septembre 1987, le journaliste français Gilles Farcet croise presque par hasard, dans une rue de Québec, le plus célèbre poète américain vivant, Allen Ginsberg. Ce dernier est le membre fondateur de la « Beat génération », l’inventeur du flower power, le pape de la contre-culture des années 60 et 70, l’auteur d’une œuvre poétique fondatrice baptisée Howl. Il est la conscience morale des USA de la seconde moitié du XXème siècle, considéré pendant 30 ans comme un danger national par la CIA. Bref, une légende vivante, dont il croise le regard. Sans trop savoir ni comment, ni pourquoi, Farcet est providentiellement invité à déjeuner avec lui… et il gagnera une invitation à revenir partager son quotidien pendant une semaine. Un an plus tard, Farcet se rend ainsi à New York, pour rencontrer moult figures, activistes et penseurs de cette contre-culture. Arrivés au crépuscule de leurs existences, ils sont encore diablement tous très actifs, quoique par moment à la frontière de la démence. L’objectif est de réaliser une série d’émissions sur le sujet pour France Culture. Le jeune journaliste va largement se laisser envoûter par le fourmillement de concepts civilisationnels et humanistes dont il est bombardé au gré de ses rencontres…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Etienne Appert adapte ici en bande dessinée la série de témoignages que le journaliste Gilles Farcet a consigné dans deux œuvres, La joie qui avance chancelante le long de la rue et Allen Ginsberg, Poète et bodhisattva beat. Pour ceux qui ignorent qui est Allen Ginsberg, le résumé ci-dessus vous redonne les clés : il était le pape de la contre-culture américaine, aux côtés de figures comme Jack Kerouac (auteur de la Route), William Burroughs (Le festin nu), Peter Orlovsky, Neal Cassady, Gregory Corso, Gary Snyder ou Patti Smith. Ensemble et séparément, ils ont ouvert la voie à une manière de vivre moins mortifère que l’« American way of life », aux hippies, au sexe libre, à l’écologie, bref à une « pulsation » (beat) de vie fondatrice et salvatrice pour l’humanité. Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est fichtrement intéressant, quoiqu’un brin redondant, notamment lors des entretiens avec un certain Hank, clochard « céleste » bedonnant, échevelé et tubard, dans un bar. Le verbe est cependant nourri et (par définition) littéraire, tout comme les idées enrichissantes, sur le plan philosophique. Surtout, le visuel inventif parvient à nous emporter à travers d’incroyables circonvolutions, parvenant à libérer l’esprit de ses carcans matérialistes de la condition humaine. Une sacrée prouesse, doublée d’un bel hommage à une pensée essentielle.