L'histoire :
Alcoolique et violent, le père de Joshua est de ceux qu’on préfèrerait éviter. Oui mais voilà, la naissance est le seul fruit du hasard. La petite famille, sous l’emprise d’un père autoritaire et sans morale, mène donc une existence difficile dans les grands espaces américains. D’autant plus difficile, que l’argent du foyer est englouti par le père lors de ses virées au saloon ou au bordel. Coup du sort ou coup de grâce, la maison familiale est attaquée par une tribu d’Indiens. Presque toute la famille est morte. Sauf Joshua, apparemment, le fils, qui a réussi à s’enfuir. Désormais orphelin, le gamin va devoir apprendre à vivre seul dans un milieu hostile et contraignant. Et même expérimenter la faim, la soif, la solitude et la violence. Mais Joshua est-il seulement capable de s’adapter à son environnement ? Sans éducation et sans instruction, sans un sou en poche, le trappeur autodidacte va faire l’expérience de la marginalité, seul contre tous, vivotant au milieu des ours ou échappant à la mort qui rôde…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En tant qu’auteur complet, Péro signe là sa première BD sous la forme d’une fable muette animale et sauvage, expérimentant la difficulté du contrat social. Et pour cause, Péro ancre son récit dans un décor classique de western, avec ses grandes plaines arides, ses montagnes parfois enneigés, ses saloons alcoolisés et ses bordels plein de stupre. Réservoir de frustration en puissance, les paysages sont chargés de violence et de cruauté, à l’image des figurants. Alcooliques, battus, seuls, marginaux ou paumés... Chacun doit s’adapter à son environnement social ou physique, quitte à devenir violent soi-même pour avoir une chance de survivre. L'adage selon lequel l’homme est un loup pour l’homme se vérifie ici sans détour. Pour Joshua, trappeur presque irrécupérable, qui lui aussi sombrera, il est surtout question de survie et de fatalité dans des paysages désolés et désolants. Peu d’espoir donc, la fable est noire et cynique, souvent dure. Sur un plan technique, Péro s’en sort très bien, malgré le parti-pris risqué de la narration muette. D’une grande fluidité, très clair dans son déroulement, rythmé et découpé avec maîtrise, ménageant son petit suspense aussi, D’Air pur et d’eau fraîche se lit avec plaisir. Péro use également avec finesse des bulles et des pictogrammes pour éviter de perdre son lecteur. Le sobre dessin en noir et blanc, léger et élégant, raccord avec le ton résigné, naturaliste et déterministe du récit, emporte lui aussi l’adhésion sans difficulté. Un gros regret toutefois : les 40 dernières pages, moins efficaces, qui peuvent frustrer le lecteur et laisser un sentiment d'inachevé. Après avoir fait preuve d’un indéniable talent de mise en scène et d’un sens consommé de la narration, l’histoire de Péro finit par tomber à plat car le propos, plus flottant et banal, devient moins compréhensible. Il n’y a pas vraiment de morale et on aurait voulu un épilogue à la hauteur. Dommage. D’Air pur et d’eau fraîche confirme toutefois le joli potentiel de Péro, avec son petit questionnement existentiel propre à une nature humaine cruelle et sauvage, mais capable d’humanité. A suivre.