L'histoire :
Julia nait en novembre 1988 à Salekhard, dans le Nord de la Russie. Elle a huit ans quand son père part. Elle passe encore huit années à contempler l'Oural et le fleuve Ob, du haut d'une colline qui surplombe la ville. A 16 ans, elle va au-delà des montagnes, à Tioumen, pour y étudier le dessin. Jusque là, Salekhard lui faisait penser au décor coloré d'une ville en carton-pâte. Mais là où elle arrive, tout est gris et compliqué. Salekhard, ville située dans l'obscurité glacée de la Toundra. On pourrait croire que vivre dans cette région n’est pas différent de vivre ailleurs, mais une nature austère entoure la ville de toute part et elle le leur rappelle à longueur de temps. Le froid. Et l'hiver de ses trois ans, dont elle ne se souvient pas, quand sa mère l'amenait « sortir » dans la cuisine. Le sol était verglacé. La chambre était chauffée tant bien que mal avec les radiateurs, mais la petite tombait souvent malade...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'est un récit intime que nous livre Julia Nikitina. Avec l'histoire de sa vie, c'est un peu de son âme qu'elle livre. Ce qu'on dit de la beauté de l'âme slave est peut-être là, dans ce livre. Ce qui est sûr, c'est que la manière dont Julia se met en scène, ce chemin difficile pour devenir qui elle doit être, elle le raconte avec beaucoup de délicatesse et de pudeur. Le dessin, un Noir et Blanc expressionniste, porte aussi en lui ses racines artistiques. On reconnaît immédiatement l'école russe de dessin, avec un dessin qui renvoie aussi à la gravure. Le découpage très aéré des planches, où reviennent souvent trois bandes horizontales, contraste avec leur noire beauté. L'austérité de son pays natal passe aussi par la simplicité des compositions de l'artiste. C'est son parcours de femme et d'artiste qu'elle nous laisse à voir à travers son propre regard ; et elle ne cache pas non plus les périodes de dépression. La solitude des grandes villes, quand elle travaille dur, fait tous les efforts qu'il faut pour réussi ses études, mais comprend, avant même d'avoir son diplôme, que cela ne suffit pas. L'agoraphobie se compense par le travail, comme précieuse béquille, les diplômes d'art et la satisfaction de faire. Avec tout ce que cela peut avoir de fragile, mais aussi de beau. Julia Nikitina est un enfant de la nuit polaire, mais elle porte en elle la lumière.