L'histoire :
C'était les années 90. Sandrine était l'ado la plus cool du monde. La preuve : pendant que sa génération adulait Nirvana et Noir Désir, elle était une fan inconditionnelle d'Elton John. C'était aussi – surtout – l'époque où ses parents s'opposaient, jusqu'à ce qu'ils décident de divorcer. Et le conflit était assez violent, puisque chacun d'eux la prenait à témoin. Son père avait trouvé refuge dans les compétitions sportives et une forme d'ésotérisme ; quand sa mère cédait au discours d'un gourou qui allait la harceler des années. Alors il était assez logique que Sandrine ressente un profond mal-être, amplifié par la violence morale subie au collège, où elle est prise par bon nombre d'élèves comme tête de turque. Les insultes sont quotidiennes, les crachats sur elle fréquents. En quête d'évasion et de repères qui lui permettent de fuir la réalité, elle commence à se passionner pour l'Ufologie. Mais une partie de la littérature sur les soucoupes volantes et les aliens véhicule des thèses complotistes, auxquelles elle finit par croire. Elle bascule alors doucement, mais sûrement, vers une forme de pathologie mentale...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il a fallu du courage à Sandrine Kerion pour nous livrer, avec cette BD, son témoignage qui relève de l'intimité. Ado à la psychologie fragilisée par un conflit parental, elle nous explique avec J'ai vu les soucoupes comment elle a, année après année, fini par rompre avec la réalité, endoctrinée par des thèses complètement folles qui ont annihilé une partie de sa vie et de sa raison. L'autrice est désormais au clair avec tout ce qui l'a faite souffrir et elle ne se cache pas non plus les longues années de thérapie qui ont été nécessaires à ce qu'elle pardonne ses parents, qu'elle accepte son propre parcours, finalement, qu'elle trouve la paix. Son livre n'est pas qu'un témoignage, c'est un essai qui décortique les mécanismes psychologiques qui signent la vulnérabilité d'un sujet et qui en font une « victime idéale » pour les tenants des thèses complotistes. Sans pour autant la discréditer, elle retrace remarquablement bien l'histoire de l'Ufologie, des années 50 à nos jours et critique avec beaucoup de finesse la « branche pourrie » qui gangrène les discours sur la vie extra-terrestre. Cette désinformation prétend que les Reptiliens sont au pouvoir. Elle défend encore l'idée, sous couvert d'allures scientifiques, que la race blanche est supérieure, charriant avec elle une flopée d'antisémites et de négationnistes. On ne passera pas en revue le nombre de charlatans, fous convaincus ou manipulateurs de première, ou encore cyniques ayant flairé le bon filon pour se faire du fric, le livre en est rempli. En revanche, on soulignera les vertus pédagogiques de ce livre, véritablement manifeste contre l'endoctrinement, dont les dessins épurés permettent de concentrer toute son attention sur son propos, juste et touchant.