L'histoire :
Un navire accoste à Marseille, en 1720. A son bord, de la vermine infeste les ballots de marchandise. La peste atteint en premier les marins puis se répand dans toute la population. La ville n’est plus que vapeurs d’encens, gémissements et prières entremêlés. Dans ce contexte, le roi Œdipe rencontre l’évêque. Ce dernier ne tarit pas d’éloges sur ce héros qui a terrassé le sphinx et qu’ils ont élu à la tête de leur cité. L’évêque demande à Œdipe de trouver le responsable de ce fléau qui est en train de ravager la région. Œdipe rassure l’homme de foi : il a déjà envoyé son beau-frère Créon chez Phébus afin qu’il détermine par quel bout s’y prendre pour sauver la ville. Or Créon revient à ce moment précis, le visage grave, mais avec la solution. Œdipe l’enjoint à annoncer cela au peuple depuis le balcon de l’hôtel de ville. Créon explique ainsi à la foule réunie que la colère divine s’est abattue sur eux, car le crime perpétré sur la personne de Laïos reste impuni. Il suffirait donc de retrouver et punir le meurtrier de Laïos pour que cesse le fléau ! Or les indices pour déterminer ce responsable sont peu évidents…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est authentique : une terrible épidémie de peste a ravagé Marseille durant l’été 1720, causant 40 000 morts sur 100 000 habitants (à Marseille uniquement, mais elle s’est aussi étendue à toute la Provence). Ici scénariste, Clément Baloup a eu l’idée originale – et un peu bizarre – d’adapter la pièce de Sophocle Œdipe roi, datant de -420 avant JC, à ce contexte pandémique de Marseille en 1720. La cité phocéenne du XVIIIème remplace ainsi Thèbes de la Grèce antique, dans un contexte mortifère similaire. En résumé, Œdipe doit mener une enquête pour trouver le responsable de cette épidémie… et lorsqu’il s’aperçoit que c’est lui-même, puni pour avoir tué son père et couché avec sa mère, il se crève les yeux. Ah on s’amusait bien sous la Grèce antique ! Baloup prend le parti de ne pas adapter les textes : c’est la traduction littérale de Sophocle que les marseillais du XVIIIème débitent en phylactères, avec toutes les incohérences de ton, les tournures désuètes, les tergiversations superfétatoires, typiques des tragédies antiques… Ce qui rend fastidieuse et peu emballante la lecture de cet exercice de style insolite. Nonobstant, il faut voir dans cette publication très en marge des canons de l’art séquentiel un ultime hommage au dessinateur Eddy Vaccaro, qui est décédé en juin 2023 après avoir majoritairement terminé les 74 pages de cette adaptation/transposition, via un dessin semi réaliste stylisé en crayonnés noir et blanc. Le coréen Sae Youn Koh est intervenu pour combler les trous, assurer la cohérence d’ensemble et réaliser la couverture.