L'histoire :
C’est un soir, alors qu’il patientait dans la file d’attente devant l’infirmerie pour gober son médicament quotidien, que Nono est tombé amoureux. Un simple regard échangé avec Lucy et il a compris. C’était la première fois que dans sa petite tête de psychotique tout se bousculait pour une unique raison : l’amour. Le reste (et tout le reste) s’est alors fait naturellement… Nono et Lucy sont pensionnaires du centre d’hébergement des Acacias, une institution pour adultes handicapés mentaux. Entre autres activités, il y a les sorties organisées pour faire les courses avec des éducateurs au supermarché. A l’occasion de l’une d’elles, Lucy dérobe un magazine avec de nombreuses et jolies photos de l’océan. En partageant secrètement la lecture de cette revue, les deux tourtereaux s’imaginent déjà au bord de la mer, s’immergeant d’eau salée comme de vrais petits poissons. Dés lors ils décident d’avoir un nouveau secret : tout mettre en œuvre pour que leur rêve d’océan bleuté se réalise…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après avoir partagé quelques pages de son chemin dans Les belles années, Bernard Grandjean utilise ici son expérience d’éducateur spécialisé pour une fiction mettant en scène l’histoire amoureuse de deux adultes déficients mentaux. Le choix est audacieux, de vouloir ouvrir aux lecteurs les portes d’un univers clos. Un monde où la différence nous empêche souvent d’imaginer que handicape peut – et doit – aussi rimer avec sentiments. Néanmoins, pas de miel, ni d’empathie forcée par le jeu d’une mise en scène à effet de manches, mais le choix de la simplicité. Ainsi, l’auteur se refuse à tout recul, laissant Nono et Lucy, leur candeur, leur amour, leur utopie, guider le rythme du récit. On suit alors cette vie « d’entre les murs » d’institution spécialisée. Un quotidien sans héros, où les résidents agacent parfois, où le rythme s’égraine à force de prises de médicaments, de journée au CAT (Centre d’Aide par le Travail)… Et puis le rayon de soleil d’une vraie histoire d’amour entre Nono et Lucy. Une idylle pleine de papouilles, de moments de pures intimités et surtout un beau projet à partager : voir la mer. Simple, naïf, enfantin et pourtant conduisant au drame sans qu’on s’y attende. A ce titre, il y a dans cette histoire un petit quelque chose de Davodeau qui prend toute sa saveur dans une relecture. On pourra peut-être regretter les silences et la frustrante impression que finalement tout cela va de soi. A nous faire prendre du recul, on est au final certainement moins touché. Mais saluons l’occasion donnée par Bernard Grandjean de nous permettre de regarder, pour une fois, tourner le monde autrement qu’avec notre nombril. A essayer…