L'histoire :
De haut de ses trente et quelques balais, Fabcaro ne peut plus entendre certaines chansons sans se remettre immédiatement en tête une situation précise de sa vie. Une autre histoire de Gérard Blanc, n’importe quel tube de Bob Marley, le solo de guitare de Marc Knopfler sur Sultan of swing correspondent tous à un souvenir bien précis de sa jeunesse ou de son enfance, comme une madeleine de Proust. Par exemple, impossible pour lui d’entendre Give it away des Red Hot sans se remémorer que sur cette chanson, il a eu la peur panique de sa vie, parce qu’il s’est fourré un caillou dans l’oreille, au lieu de draguer peinard des marseillaises rencontrées sur la plage en juin 1992. Ou inversement : l’idée même de se faire lourder par une fille, et il entend immédiatement la chanson d’Elsa Quelque chose dans mon cœur (les boules)…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A part la première lettre, quel rapport peut-il y avoir entre Rick Asley, Renaud et Radiohead ? Tous ces artistes sont répertoriés au catalogue des souvenirs de Fabcaro, l’auteur du récent et bidonnant Jean-Louis. Néanmoins, ce qui arrive à Fabcaro avec le patrimoine de la chanson française et internationale populaire, se produit assurément chez tout le monde. Tel slow vous rappelle que vous avez roulé votre première galoche dessus, et inversement, telle situation ne peut plus se revivre au présent, sans que votre jukebox interne sélectionne malgré vous le Tata Yoyo d’Annie Cordy. Comme l’auteur le résume en intro : « on ne choisit pas ses souvenirs, ni les morceaux qui les convoquent ». Ce petit recueil souple, en noir et blanc, aligne une grosse quarantaine de tubes, d’un bel éclectisme, collant à autant de souvenirs ici décryptés avec humour (ah le live des Pixies !). Inédit et amusant en soi, l’exercice aura une résonnance toute particulière sur les trentenaires (surtout ceux nés vers 1973, soit la date de naissance de l’auteur), en raison des convergences mélomanes générationnelles. Réellement musicos (guitariste), l’auteur assume : il brave le ridicule en avouant chanter en yaourt (Welcomtouzi hotel californien, seutcheu nony fesse…) et ose afficher ses convictions profondes (le reggae, ça serait pas un peu toujours la même chose ?). Petite astuce de lecture pour amplifier la nostalgie : lisez l’album en zappant les titres sur un web-juke-box…