parution 11 novembre 2015  éditeur La pastèque  Public ado / adulte  Mots clés Roman graphique

Dérangés

Des personnages de l’à-côté, des objets déplacés, des frontières perturbées. Violaine Leroy approche avec sensibilité et puissance l’espace de la folie, des arts, des individus. Une œuvre d’une complexité magistrale.


Dérangés, bd chez La pastèque de Leroy
  • Notre note Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

    TRÈS BON   Green Star Green Star Green Star Dark Star

    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • Scénario Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

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    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • dessin Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

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    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

©La pastèque édition 2015

L'histoire :

Trois protagonistes, trois générations, trois dérangements. Le gardien, sans nom, est atteint de troubles obsessionnels compulsifs. Il compte et recompte les quatre cuillères, les quatre verres méticuleusement disposés sur la table de sa cuisine, range soigneusement ses objets dans des boîtes et tiroirs étiquetés. Tout se trouve toujours à sa place, inanimé, à l’image des œuvres du musée qu’il veille chaque soir. Dans le confort et le calme d’un espace dénué de vie humaine, il y brode une large étole, aux côtés des mobiles de Calder et des sculptures de Giacometti. Mais un matin, il découvre que son appartement a dans son absence été dérangé… Judith quand à elle, cherche désespérément le sommeil. Les rêves impossibles de la nuit s’invitent dans ses jours : le monde qu’elle traverse s’apparente à un film d’animation aux images mouvantes, déformantes, parfois abstraites. Alors, elle s’échappe dans la danse. Nenad enfin, ancien maçon récemment retraité, fasciné par Dada et Duchamp, se prend d’un frénétique et pernicieux enthousiasme à créer des installations in situ. « C’est voyons… C’est une oeuvre d’art. » « Au début tout est noir. » « Et puis ça commence. »

Ce qu'on en pense sur la planète BD :

Regard tendre sur ces êtres de l’à-côté, à l’esprit affecté, Dérangés leur ouvre l’espace du langage. L’enfermement, la souffrance, l’obsession, trouvent voix sous les traits subtiles de Violaine Leroy. Crayonnés nuancés et encres noires teintent ce récit qui confère magistralement aux corps, à la répétition, au silence, aux ombres et leur lumière, à la structure graphique le pouvoir suggestif de l’émotion humaine. Dérangée, l’est également. La chronologie des évènements, dans une narration dispersée, qui se (re)constitue peu à peu, nous invite avant tout à nous laisser porter par la force du fragment. A traverser les nombreux cadres de ces planches grillagées, à contraindre notre regard à se focaliser sur les objets, motifs répétitifs, et à lire ces mots bordés de lignes, nous éprouvons avec les personnages l’enfermement qui les atteint. Pourtant, ce livre est également pénétré d’un souffle puissant. Si la grâce des dessins en est la source initiale, viennent s’y apposer la force des autres arts. Les trois actes et le « chœur des objets », annoncés initialement, font écho à la gestuelle mécanique, itérative et muette, du gardien qui compose les premières pages, évoquant singulièrement une pantomime beckettienne. Au théâtre, s’ajouteront plus tard de splendides passages de danse, une pratique de la photographie, de la performance, ainsi que des résonances cinématographiques. Et bien sûr, le décor du musée surveillé et arpenté par la lampe torche de son vigile, dont les œuvres peuplent le livre entre nos mains. La dessinatrice strasbourgeoise utilise donc la diversité des langages en vue de faire émerger les subtilités émotives, et de tendre un miroir à ces « dérangés », refléter la part créative de leurs obsessions ou de ce qui se dérobe à eux-mêmes. Comme l’indiquait Duchamp, c’est le regard, le point de vue porté sur le sujet qui fonde l’art. Mais Violaine Leroy interroge plus profondément encore la question des frontières. Celles qu’il est fondamental de dépasser, celles qui font sens, celles qui mènent à la souffrance de l’autre. Un récit aux entrées multiples, à la sensibilité envoutante, une œuvre « ouverte », et essentielle.

voir la fiche officielle ISBN 9782923841809