L'histoire :
Ils murmurent à l’oreille des politiques. On ne les voit que rarement, on ne votera jamais pour eux. Et pourtant, par leur permanent travail d’influences, de conseils, de média-training, d’orientation des discours, de calcul de postures, d’amendement sur les textes de lois, ils sont les réels acteurs de la démocratie française, quelle que soit l’étiquette politique. Ils ont fait de grandes écoles – l’ENA, Polytechnique, Science Po, HEC… Ils sont souvent les rouages essentiels de grands groupes privés – banques, agro-alimentaire, énergie, nucléaire, armement, empires médiatiques… Mais ils connaissent aussi fort bien les rouages et les leviers des grands corps d’Etat. Eux, ce sont les communicants, qu’on peut diversement répartir en lobbyistes, publicitaires, « journalistes » ou plus sommairement conseillers. Ils accompagnent parfois nos élus sur le terrain, mais jamais dans le champ des caméras ou des micros. Ils sont plutôt des agents de l’ombre, passant la plupart du temps dans les couloirs de la République, d’un bureau à l’autre, d’un institut à l’autre. Ils orientent notre destinée collective à notre insu, par des mécanismes de subtiles et puissantes manipulations ciblées ou massives… Ceci n’est pas une théorie du complot, mais la définition de la realpolitik.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Depuis que l’image est devenue prédominante sur le verbe, la communication a pris le pouvoir sur le fond politique. Ainsi, des experts en communication, des conseillers en images et en « éléments de langages », des lobbyistes sont devenus les réels dirigeants de notre pays – et il en va ainsi, par extension, dans la majorité des Etats dans lesquels les mass-médias ont cours… c’est-à-dire la quasi-totalité, à quelques exceptions tiers-mondistes ou autoritaires près. Cet ouvrage particulièrement pédagogique au format souple, édité par les jours.fr, recueille trois séquences de reportage BD préalablement parues dans la Revue dessinée. Les enquêtes extrêmement fouillées et mises en dessin par les traits stylisés et schématiques de Vincent Sorel et Vincent Mahé, ont été réalisées par Aurore Gorius. Le dessin n’a guère d’intérêt artistique ou esthétique (on ne reconnait d’ailleurs pas toujours les caricatures des personnalités abordées), mais il s’avère un vecteur idéal – et avenant ! – pour accompagner un propos pointu, particulièrement pertinent et abouti. La besogne soigneuse et objective a demandé plus de 5 années d’enquête à Aurore Gorius. Il en résulte ce qu’on peut qualifier d’une œuvre de « salubrité publique », qui met en exergue l’effet pervers ultime de l’organisation humaine, qu’on appelle la politique. Nous sommes assurément arrivés au bout d’un système, qu’il semble impossible de parvenir à rendre plus « éthique » (gros mot !) Reste à savoir si nous réussirons à vivre avec pendant encore longtemps ou s’il nous engloutira dans un grand effondrement moral, économique et environnemental. En tout cas, à l’heure de la campagne pour l’élection présidentielle 2022, un petit tour au fond des rouages de la République semble primordial. Bien plus essentiel que la lecture des programmes ou les débats télévisés, eux-mêmes les fruits dudit formidable (au sens premier du terme : qui fait peur !) travail de l’ombre.
