L'histoire :
Gare de Lille Flandre, un peu avant 10h du matin, de nombreux voyageurs s’adressent au personnel en gilets rouges sur les quais. Entre les différents tarifs en vigueur, les cartes de réduction aux fonctionnements alambiqués, les attentes interminables devant 2 guichets ouverts parmi 10 fermés, les clients montrent la plupart du temps une patience touchante de résignation et d’abnégation. La politique générale de l’entreprise n’a plus rien à voir avec un service public. La SNCF est malade et ce sont les anciens qui en parlent le mieux quand ils partagent leurs souvenirs emprunts de la fierté d’avoir été cheminots. Aujourd’hui, l’entreprise est mal menée, mal perçue et mal comprise, exactement comme le sont ses cheminots. Pourquoi ? C’est à la fois simple et très compliqué…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un train d’enfer aurait pu s’intituler « Tout ce que vous n’avez jamais compris sur la SNCF enfin expliqué au grand jour » ou « La grande muette 2 ». En réalisant cette enquête dessinée, Erwan (journaliste à Politis) et Gwenaël (La cendre et le trognon) Manac’h ont accompli un travail exceptionnel : rendre compréhensible l’incompréhensible. A force de témoignages réels, d’enregistrements parfois volés et d’une documentation étayée, les deux frères livrent le portrait d’une SNCF bien loin des clichés populaires et des fantasmes de haters. Pour résumer brutalement : France Telecom, c’était 57 suicides entre 2006 et 2009, la SNCF c’est 57 suicides en 2017. Les réorganisations internes bâclées, les errances stratégiques et la logique des chiffres face à l’ouverture à la concurrence, tout y est. Même la fameuse « prime charbon » souvent citée pour dénoncer les avantages des cheminots. Cette enquête sans concession interroge l’avenir dans un contexte où les choix du gouvernement seront déterminants. Côté visuel, la colorisation astucieuse dynamise le trait graphique, un peu comme l’humour bien dosé accompagne le sérieux du propos. Tout est donc réuni pour une lecture passionnante !