L'histoire :
Aldo Remy a un jour perdu la boule. De fait, il ne se rappelle plus qui il fut. Au cours d’aventures mouvementées (cf. tomes précédents), Aldo a rencontré Manon. Aujourd’hui, Aldo et Manon filent le parfait amour et cela suffit à son bonheur. Un ami a mis à leur disposition une propriété héritée dont il n’a pas l’usage. Chose curieuse, à leur arrivée, le couple trouve un occupant dans la maison. L’homme parvient à s’enfuir après avoir pris Aldo de cours (et de volée !). Sans s’alarmer outre mesure, Aldo et Manon s’installent dans leur nouveau chez eux. Leur ami Edmond – de passage dans le coin – leur rend visite. Ils vont dîner en ville et croisent sur le trottoir une mendiante portant son enfant dans ses bras. Manon est intriguée par la couleur des cheveux de l’enfant. Celle-ci semble avoir changé au cours de la soirée (?). Le lendemain, Manon retourne en ville pour ne plus reparaître, laissant Aldo très inquiet…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une lecture signée Tibet à réserver à un public averti. Un paradoxe pour qui réalisa, sa vie durant, près de deux cents albums à destination du plus large public. Aventure publiée à titre posthume, ce tome trois des déboires d’Aldo Rémy confirme l’impression partagée laissée par ses devanciers. Auteur – monument ! – reconnu pour sa production jeunesse (Chick Bill, Ric Hochet), le regretté Tibet semble avoir voulu, sur sa fin de carrière, s’autoriser un dernier héros plus adulte, affranchi de toute retenue morale ou éditoriale. Inimaginable dans les pages d’un album de Chick Bill ou Ric Hochet, la nudité répétée de Manon prouve, par exemple, que la cible a changé. Le lectorat visé n’est plus celui de la jeunesse – du moins, la prime jeunesse – mais un lectorat avisé. Aldo est un héros à l’ancienne mode, à l’image peut-être de son auteur (?), franchement macho mais au grand cœur ! Le propos l’emporte sur l’intrigue et la fiction s’organise entre un humour un brin grivois et un regard civique critique. En proie avec d’odieux exploiteurs de la misère du monde, devant l’inaction de la police, Aldo rend justice lui-même… jusqu’à tuer si nécessaire ! Le décalage entre un visuel sage d’ordinaire – bien connu – et un contenu sans réserve a de quoi surprendre. Nombre de lecteurs, parents peut-être, risquent d’être décontenancés, même si l’on parle d’un tome trois, rappelons-le. La rage au cœur est-elle la dernière œuvre laissée inachevée par le maître ? Si non, peut-être reverra-t-on Tibet dans un registre mieux connu où il excelle…