L'histoire :
Depuis que Face de Lune a déposé sur le sommet de la cathédrale en ruines le tube totranium, l'édifice reprend vie, et les éléments se conjuguent pour reconstruire ses tours et ses vitraux. Dans le palais en forme d’œuf qui abrite les dignitaires du pouvoir, les religieux s'inquiètent de ce phare qui brille à nouveau, au vu de tout le peuple de l'île. Ils craignent le retour d'une spiritualité qu'ils ne maîtriseraient plus, et décident d'envoyer des émissaires sur place. Il faut capturer celui qui est à l'origine de tous les phénomènes incroyables qui déstabilisent Damanuestra depuis qu'il a notamment pris le contrôle d'une énorme vague qui menaçait de noyer une partie de la population. Mais une rivalité s'installe entre les services secrets et l'armée sur la stratégie à suivre, ce qui permet à Face de Lune de s'enfuir dans les montagnes en compagnie d'Isha. A la faveur de la nuit, alors qu'elle se réveille en plein cauchemar, celui qu'elle appelle Borrado va poser ses mains sur son visage et lui permettre de découvrir ce que sa mémoire avait occulté. Elle va retrouver les images de sa jeunesse, et découvrir qui est sa mère, dont elle pensait avoir perdu tout souvenir. Une révélation déstabilisante et terrifiante à la fois, à l'image de la société de Damanuestra. Elle raconte son enfance parmi le peuple des chasseurs de Teohuacans, fascinés par un sarcophage mystérieux découvert dans le ventre d'un animal marin, et devenu l'objet d'un culte mystique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la deuxième partie de cette aventure autour du personnage naïf et totalement christique de Face de Lune, Jodorowsky envoie tout le catalogue de ses obsessions personnelles dans une débauche d'idées sans limites. Le sexe, l'inceste, la religion sont des enjeux de pouvoir dans cette micro société que le personnage principal semble destiné à purifier, porté par l'allégorie de cette cathédrale qui se reconstruit. En poussant son délire sans se soucier des contraintes, le scénariste semble au-delà de la volonté de choquer ou de provoquer. Son personnage de prostituée universelle, trois fois plus grosse que tout ces hommes qui se succèdent autour de son corps, est un exemple de cette absence de limites et de ce goût pour les idées crues librement exprimées. François Boucq est taillé pour illustrer ce voyage dans l'imaginaire incontrôlable d'un auteur qui déborde de folie narrative. La précision absolue de son trait, le réalisme cru des expressions de ses personnages ne sont plus à démontrer. Son talent brille particulièrement dans le dernier épisode de la série, plein de décors superbes. Cela dit, et malgré les préfaces très érudites sur la portée mystique voire philosophique du propos de Jodorowsky, le débordement d'idées mystico-sexuelles ne plaira pas à tout le monde. On sent que l'auteur cherche en permanence à faire partager son propre cheminement, tout en avouant ses faiblesses intimes. Et qu'à la fin, il faut faire rentrer tout cela dans un format d'album de bande-dessinée, une sorte de contingence matérielle dont il s'acquitte de manière efficace, mais sans s'interdire des surprises scénaristiques presque sans queue ni tête. La longue aventure de Face de Lune et sa fin en eau de boudin biblique restent néanmoins transcendées par un personnage lumineux et mystérieux, formidablement rendu par un dessinateur hors pair.