L'histoire :
Au sein d'un centre qui regroupe des jeunes filles des jeunesses hitlériennes, Nina vient d'apprendre la mort de ses grands-parents dans un bombardement sur Cologne. La jeune femme n'a désormais pour seule famille que sa tante Berlinoise, alors que, jour après jour, la chute du Reich devient le scénario le plus probable. Nous sommes au début de 1945 et Nina va décider de quitter le centre pour rejoindre Berlin. Elle se fait couper les cheveux par son amie Lisel, et c'est dans des vêtements masculins, un tissu enserrant sa poitrine, qu'elle se lance sur les routes. Les adieux avec Lisel sont pleins d'incertitude, les deux jeunes femmes amoureuses l'une de l'autre espérant se retrouver vivantes, après la capitulation qu'elles attendent en secret. Dans un des premiers villages qu'elle traverse, Nina tombe sur des soldats américains qui progressent dans leur avancée en territoire allemand. Son déguisement et ses cheveux très courts font illusion, les soldats l'incorporent dans leur troupe, où elle va servir de traducteur. Elle participe alors aux étapes qui vont voir le bataillon progresser vers la capitale, témoin et involontairement complice des agissements scandaleux des soldats qui humilient les hommes et violent des femmes. Pour Nina, c'est le début des désillusions et d'un apprentissage difficile. Lorsque Berlin sera libérée et partagée entre les vainqueurs du conflit, elle va devenir partie prenante du sentiment de liberté et de légèreté qui envahira la ville pendant quelques années.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La patte graphique du duo Warnauts / Raives n'est plus à présenter, elle s'impose à nous depuis plus de deux décennies, avec une constance et une exigence plaisantes. De beaux décors, des couleurs directes soignées et des visages très réalistes, que les auteurs aiment travailler dans le détail. Au cœur de l'Innocente, il y a à nouveau un personnage fort, une jeune femme très belle dont le passage à l'âge adulte traverse une tranche d'histoire. Un procédé classique mais toujours plaisant, puisqu'il permet au lecteur de suivre à la fois l'évolution de la petite et de la grande histoire qui s'entremêlent. Techniquement bien réalisé, l'album manque néanmoins d'une certaine densité dans le propos, Eric Warnauts naviguant sans cesse entre la tension dramatique des évènements et la légèreté des sentiments qui animent Nina. L'album passe alors d'une scène à l'autre sans réelle transition, mais aussi sans que l'un des deux aspects ait été réellement creusé. Les scènes gentiment érotiques ou la dureté des évènements de la fin de la guerre se succèdent de manière un peu abrupte, les étapes historiques que le scénariste a tenu à décrire ne laissant pas le temps au lecteur de mieux connaître Nina. Cet album est néanmoins une pierre de plus dans l'œuvre authentique de deux auteurs à la personnalité remarquable, que le fan retrouvera avec plaisir. Comme le personnage de Nina, jolie comme beaucoup des femmes que le duo met en scène, attachante et libre, quoi qu'il arrive.