L'histoire :
Gabrielle Lange, une journaliste ambitieuse, a décidé de consacrer une série d’émissions sur un asile d’aliéné très particulier. Partant de Londres, elle traverse l’Angleterre dans sa rutilante voiture sport, en compagnie de son assistant Mathieu White (un noir…), jusqu’au coin perdu des Highlands où se situe son objectif : la pension du docteur Éon. Avant de s’exiler, ce sulfureux psychiatre avait évoqué son grand œuvre, sorte d’idéal alchimique et psychiatrique qui offrirait à ses patients la conversion de l’imaginaire en réel… Or selon la liste que s’est procurée Gabrielle, lesdits patients sont tous des rupins ayant joué un rôle prépondérants dans la société britannique avant de « dérailler ». Le couple arrive en plein orage au somptueux manoir, qui semble abandonné. Ils y pénètrent dans un silence angoissant et découvrent un cercueil ouvert avec une belle rousse à l’intérieur. Soudain cette dernière se redresse et révèle une forme aiguë de nymphomanie, avant de se sauver en riant par une porte, d’où sortent les autres pensionnaires déguisés en animaux ! Tout cela n’était qu’une mise en scène, destinée à accueillir ces visiteurs dans la fantaisie. Gabrielle et Mathieu font alors connaissance avec l’avenant docteur et toute une clique de fous affublés de pathologies sévères et variées…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Initialement parue en 2 tomes, en 1998 et 1999, dans la même collection Signée pas encore rénovée, La pension du docteur Éon est ici réédité en une somptueuse intégrale de plus de 130 pages, à la mesure de ses grandes qualités graphiques et narratives. Aux manettes de cette aventure démente, on trouve deux vétérans prolifiques du 9e art : Patrick Cothias (Les 7 vies de l’épervier, les eaux de Mortelune…) et Griffo (SOS Bonheur, Giacomo C, Vlad…). Ils livrent un petit bijou de folie pure, brodant habilement autour de la thématique du déluge et du potentiel psychique humain. Qu’est-ce qui distingue exactement la raison de la folie ? N’y a-t-il pas mieux à faire que de « soigner » les fous ? Dans quelle mesure la démence, cette autre face du « bon sens commun », ne peut-elle refléter la nature profonde de l’homme ? Certains pans de la civilisation ne sont-ils pas pires que la folie ? Elégamment mis en relief de manière réaliste, le récit n’adopte aucun poncif et ricoche sans cesse sur des rebondissements inattendus, souvent perturbants… Au premier chef, la galerie bigarrée des pensionnaires amuse, choque, inquiète, déstabilise. En ce sens, l’ouvrage est sans doute à déconseiller aux âmes prudes et aux plus jeunes. La conclusion jusqu’au-boutiste révèle tous les sens d’un récit brillant…