L'histoire :
En juin 1948, la ville de Tel Aviv est régulièrement bombardée par l’aviation de la coalition arabe (surtout égyptienne), qui a déclaré la guerre au moment de la création de l’état d’Israël sur le territoire palestinien. Tsahal, l’armée du pays, s’organise alors en hâte pour contre-attaquer ces offensives aériennes. Elle constitue de son mieux une flotte d’avions de chasse et recrute des mercenaires acquis à sa cause. Les appareils, des « Mezek », viennent notamment de Tchécoslovaquie, le seul pays qui a accepté d’armer le jeune état juif. Ce sont des Messerschmitt trafiqués avec des moteurs trop gros, ce qui engendre une bosse à côté du cockpit, gêne pour la visibilité et fait parfois basculer l’avion en avant lors des atterrissages. Bref, à chaque assaut, les pilotes risquent leur vie, et pas seulement à cause de l’ennemi… Les Mezek sont des « cercueils volants » comme les appelle Björn, l’un des meilleurs pilotes mercenaires suédois du squadron 101. Plutôt beau gosse, malgré son regard taciturne, Björn fait des ravages parmi la gente féminine de la base. A son tableau de chasse, il a épinglé l’anglaise Jackie, l’éclaireuse Tzipi ou la belle Oona, fille du colonel Kagan récemment tué. Lorsqu’Oona apprend qu’elle a couché avec un mercenaire cupide elle se dégoûte et le gifle. Sa réaction sera bien pire lorsqu’elle reconnaîtra Björn sur un film de propagande allemand de la seconde guerre, parmi les rangs nazis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Aussi curieux que cela puisse paraître, Yann et André Juillard, deux grands noms du neuvième art, n’avaient jamais travaillé ensemble. La prestigieuse collection Signé du Lombard comble l’omission à travers ce one-shot guerrier et romantique, sur fond de bataille aérienne de Palestine. Yann aura mis plus de 20 ans à accoucher de ce projet. Au terme de moult remaniements scénaristiques, le juste ton est enfin trouvé, ainsi que le dessinateur (et lequel !). Le contexte est celui de la guerre israélo-arabe de 1948, au lendemain de la création de l’état juif par l’ONU, parallèle à celle de Tsahal (l’armée israélienne) et à la course aux armements express de ce très jeune état, fondateur d’une militarisation aujourd’hui toujours très soutenue. Le héros, un mercenaire suédois, pilote doué et séducteur notoire, véhicule un lourd secret. Il faudra toutefois attendre la toute dernière page pour en cerner l’exacte personnalité. Entre temps, le récit emprunte un petit aspect Top Gun, dans le sens où le beau héros ténébreux alterne les conquêtes aériennes et féminines et qu’une base aérienne sert de cadre du début à la fin. A la différence de ce film culte et kitsch, le propos de Mezek dépasse largement le cadre de la fanfaronnade testostéronée et du reflet dans la visière du casque. Particulièrement documenté sur son sujet, Yann nous gratifie d’un éclairage didactique (et apolitique) sur une période méconnue et néanmoins cruciale pour comprendre le bourbier proche-oriental actuel. Le scénariste débarrasse aussi la verve habituellement caustique de ses dialogues, pour emprunter un ton plus académique, et n’en conserver que la densité, l’élégance et la précision. Surtout, il met ainsi en exergue le dilemme psychologique d’un pilote en proie à un cas de conscience attachant. Il donne enfin à son dessinateur, chantre d’une ligne fine toujours aussi sublime, l’occasion de mettre en scène moult ballets aériens et assauts romantiques de grande classe. Les années 50 n’ont aucun secret pour Juillard, lui qui a entre autre repris avec talent Blake et Mortimer (il leur fait d’ailleurs un clin d’œil dans une case). Un récit de guerre instructif, doublé d’un cas psychologique passionnant et d’une histoire d’amour complexe : un petit bijou !