L'histoire :
Célibataire, rêveur, chômeur, bref glandeur professionnel, Mick regarde en spectateur sa vie défiler devant ses yeux, sans se biler. Ce soir là, alors qu'il garde les enfants de sa soeur, il reçoit un coup de fil de son père, qui d'ordinaire n'appelle jamais. Effectivement, c'est pour annoncer que sa mère, donc la grand-mère de Mick, vient de mourir. Bon. Soit. Fallait que ça arrive, de toute façon. Quelques jours plus tard, Mick et sa soeur retrouvent donc leur père à l'enterrement. Handicapé et boiteux depuis l'accident de voiture qui a coûté la vie à leur mère, Charles tire toujours la gueule, se considérant comme en sursis. L'enterrement se déroule sans excès de pathos. Quelques jours plus tard, Charles appelle de nouveau son fils, pour qu'il vienne chez lui, dans son village de province. Avec l'accord de sa soeur (qui se méfie d'un héritage bancale), Mick s'y rend et reçoit une drôle de requête : Charles veut qu'il l'accompagne pour un tour du monde, le même qu'il fit jadis avec sa mère. En échange, il lui filera du pognon. Mick hésite, il sait combien son père est un emmerdeur. Mais avec l'aval de sa frangine, et vue sa morne situation personnelle, il finit par accepter. Ça ou autre chose... Rendez-vous est donc fixé à l'aéroport, pour une première destination, l'île de la Réunion. Dès les premières heures, Mick regrette : son père est râleur, imbuvable, indiscipliné, capricieux...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'intégration de Frédérik Salsedo, dessinateur de Ratafia, au sein de l'atelier lyonnais KCS créé par Olivier Jouvray, scénariste de Lincoln, est l'occasion pour ces deux auteurs, de concrétiser leur désir commun de collaboration. Ce joli one-shot publié au sein de la collection de prestige Signé du Lombard en est aujourd'hui le résultat. Il s'agit du tour du monde, en forme de voyage initiatique, d'un trentenaire désoeuvré, mobilisé par un père nostalgique et caractériel. Au fil des étapes et des caprices paternels, diversement acceptés par le fils, ils se rapprocheront, se comprendront. On discerne alors petit à petit que cet insupportable bougon veut aider son fils à trouver sa place dans la vie, profitant de la démarche pour se réapproprier de vieux souvenirs. Le décor change donc sans cesse, de la Réunion à New York, en passant par San Francisco, le Vietnam, l'Inde, le Zanskar, le Maroc et l'Alaska. Le propos est agréablement traité par le dessin et les couleurs des frères Salsedo. Sur un coup de crayon moins caricatural que sur Ratafia, Frédérik expérimente avec bonheur une technique graphique nouvelle (et chronophage !) : un crayonné au lavis, idéalement complété par la subtile colorisation informatique de son frère Greg. On ne trahira pas la conclusion en avouant qu'effectivement, les voyages forment la jeunesse... Et malgré la platitude de cette tautologie, on prend plaisir à reconsidérer notre approche du monde, des destinés humaines. Le père et le fils alternent les discussions sérieuses, les scènes caricaturales presque burlesques, les moments graves ou sordides, les souvenirs douloureux... Ils nous permettent de rencontrer des gens étonnants et/ou attachants (le joueur de badmington, Jean le chercher en physique des particules...), avec des philosophies de vie enrichissantes. Et d'aborder avec réussite moult thématiques essentielles : le conflit générationnel, l'acceptation de ses origines, la place de notre génération dans l'Histoire, le sens de la vie (carrément)...