L'histoire :
Quentin a peur. Il est tellement angoissé qu'il n'arrive plus à sortir de chez lui. Il se terre dans son appartement minuscule de 20 m², c'est son refuge. Ici il ne peut rien lui arriver. Des choses aussi simples que d'aller faire les courses, se balader dans la rue ou voyager en train deviennent une véritable épreuve, une source d'angoisse épouvantable pour lui. Et s'il tombait ? Et s'il vomissait ? Et si... Tout cela trotte en boucle dans sa tête. Il a essayé de les enterrer, mais maintenant, il doit les affronter. Il n'a plus le choix... Il ne saurait dire quand ça a commencé précisément, même si certains indices auraient pu lui mettre la puce à l'oreille : la perte de ses cheveux, des choses du quotidien qui ont pris une place trop importante dans sa tête, des boutons dans le dos. Et puis, lorsque Quentin ouvre les volets de son appartement, il fait souvent presque nuit. Lorsqu'il va boire un verre avec une amie, il pense déjà au moment où il va rentrer chez lui. Car au fond, c'est seul qu'il préfère enquiller les bouteilles de rosé. Ça fait beaucoup de signaux, pourtant, ce n'est pas ça qui lui a mis la puce à l'oreille. C'est plutôt la manière qu'il a de respirer avant d'ouvrir la porte. Il inspire, il expire très fort. Il sent la peur l'envahir lorsqu'il a la main sur la poignée, elle grandit un peu plus à mesure que la porte s'entrouvre. Car derrière, il sait qu'il peut trouver des créatures dégueulasses. Partout dehors, des créatures lui sont apparues.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Quentin Zuttion a signé des albums forts et marquants : Touchées ou encore Appelez-moi Nathan. Ses précédentes créations empruntent toujours des éléments à son parcours personnel ou à celui de son entourage dans leurs récits, mais la fiction prend toujours le dessus. Même dans Toutes les princesses meurent après minuit, il aborde un sujet intime avec un voile fantasmé. Avec Sage, il crée une rupture, ou du moins, il pousse le processus plus loin qu'auparavant. Car cette fois-il se met à nu et se livre sur un sujet personnel, sans lui ajouter le soupçon de fiction ordinaire. Il débute l'écriture alors qu'il vit et ressent les choses. Il nous parle de ses angoisses et de son anxiété d'une manière plus brute, plus réaliste. Il fait ressentir au lecteur ce qu'il ressent personnellement, à quel point il se sent submergé, et il personnalise ces montées d'angoisse par l'apparition de silhouettes fantômatiques qui rôdent toujours autour de lui. Quentin est son propre personnage principal dans cette bande dessinée. Il alterne deux points de vue : lorsqu'il dialogue avec sa psychologue, il parle en « je », il évoque ses souvenirs. Mais il développe aussi un certain recul, une distanciation, et utilise le « tu » pour parler de lui sur de nombreux passages. Il explore ses souvenirs pour comprendre d'où vient son anxiété, en nous plongeant au cœur de la santé mentale, mais il aborde aussi son homosexualité et l'homophobie qu'il a subie, les clichés et les stéréotypes que sa famille a intégrés et la manière dont cela a infusé sur sa propre sexualité. Un titre puissant, dans lequel nous retrouvons sa patte graphique habituelle, expressive et poétique, qui retranscrit au mieux les émotions qu'il vit.