L'histoire :
Ce recueil de dessins de presse se consacre au retour de Donald Trump au pouvoir et à ses conséquences politiques, institutionnelles et symboliques. L’album s’ouvre sur des images fortes : Donald Trump, la gueule ouverte, engloutissant l’Oncle Sam tétanisé, ou tenant une liste d’ennemis où figurent Jack Smith et le procureur du ministère de la Justice. La Statue de la Liberté apparaît pendue à sa cravate, tandis que la Terre est représentée sous la forme d’une balle de golf, prête à être frappée. L’ouvrage revient sur le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis le 20 janvier 2025, après une campagne marquée par des promesses d’autoritarisme et de répression envers les immigrés clandestins. Il montre son intronisation pour un second mandat, entouré de fidèles, jurant sur la Bible aux côtés d’Elon Musk. Le milliardaire est présenté comme un acteur central du nouveau pouvoir, à la tête du Department of Government Efficiency (DOGE), menant des coupes drastiques dans l’administration et obtenant un accès inédit aux agences fédérales. Les dessins évoquent aussi la scène internationale : Trump tenant la planète en joue, s’autoproclamant prix Nobel de la paix affublé de médailles ironiques ou posant en maillot de bain avec Benjamin Netanyahou sur la rivière de Gaza. Une rencontre avec Vladimir Poutine en Alaska est représentée, autour du sort de l’Ukraine, tandis qu’à la frontière canadienne, des castors construisent un barrage pour tenter d’arrêter Trump.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Censure en Amérique part d’un constat limpide et inquiétant : Anne Telnaes et Patrick Chappatte, deux figures majeures du dessin de presse américain, ont été écartés des plus grands journaux du pays. Elle a démissionné du Washington Post après le refus d’un dessin ; lui a été remercié par le New York Times. Ensemble, ils posent une question centrale et brûlante : dans des États-Unis qui glissent vers l’autocratie, reste-t-il encore une place pour la satire politique ? L’album prend alors la forme d’un jubilatoire ping-pong graphique et textuel. Les dessins se répondent, se relancent, se contredisent parfois, mais convergent toujours vers le même constat : sous la présidence Trump, depuis 2025, le pouvoir s’est concentré, verrouillé, entouré de figures dociles. Donald Trump occupe tout l’espace, politique, médiatique, symbolique. Autour de lui gravitent milliardaires et fidèles, dans une atmosphère qui évoque souvent La Servante écarlate de Margaret Atwood, notamment sur les questions de libertés fondamentales et de droits des femmes. L’un des moments clés du livre revient sur le dessin refusé à Anne Telnaes : une scène où des milliardaires, Jeff Bezos en tête, s’inclinent devant Trump en lui offrant des sacs de dollars. Un dessin d’autant plus politique que Bezos est propriétaire du Washington Post ! La censure n’est plus seulement idéologique : elle devient économique. À travers cet exemple, l’album révèle l’affaiblissement profond de la presse américaine, confirmé par l’éviction d’autres caricaturistes pourtant récompensés par des prix Pulitzer. Graphiquement, le dialogue est passionnant. Le trait d’Anne Telnaes, plus caricatural, déforme Trump jusqu’à lui donner des allures de poisson grotesque. Celui de Patrick Chappatte, plus réaliste, n’en est pas moins mordant. Deux styles, deux sensibilités, mais une même acidité et un même sarcasme. Censure en Amérique est avant tout un acte de résistance. Crayons à la main, Telnaes et Chappatte rappellent que lorsque le dessin de presse est attaqué, c’est toujours le signe d’une démocratie qui vacille. Un livre nécessaire, salutaire et profondément politique.