L'histoire :
« Mon nom est Druillet. Mon prénom, c’est Philippe. Je suis né à Toulouse, le 28 juin 1944 dans des circonstances particulières et dans une famille qui ne l’était pas moins. Mon père, Victor Druillet, était un fasciste convaincu. De 1936 à 1939, il a fait la guerre d’Espagne aux côtés des franquistes. Au moment de ma naissance, il était responsable de la milice dans le Gers. Ma mère, Denise Druillet, née Faustin, était responsable administrative dans cette même organisation et partageait l’engagement idéologique de son mari. Je suis un mal-né. Je voulais être prince ou mécène. Je suis né fils de collabos. Ce qui grouille au fond de moi est immonde. La voilà mon histoire, la voilà ma famille. La voilà ma jeunesse. Depuis trop longtemps, je vis avec les fantômes d’un passé qui me révulse. Aujourd’hui, j’ai décidé de tout envoyer valser et de ne plus rien cacher. Si je le fais maintenant, ce n’est pas pour mes parents. Je le fais pour ceux qui sont morts. Pour ceux qui ont payé. Pour rendre justice à ceux qui ont souffert »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si vous avez le bonheur de rencontrer Philippe Druillet, attendez un moment pour lui parler de Métal Hurlant. « Vous me faites tous chier avec Métal Hurlant ». C’est cru, mais ça a le mérite d’être clair, à l’image de l’ensemble des propos que David Alliot a recueillis auprès d’un des révolutionnaires de la Bande Dessinée. A 70 ans, le père de Lone Sloane se fout à poil, mais avec pudeur. Et dès les premières pages, le lecteur prend sa vérité familiale en pleine tronche : les parents de Druillet servaient avec zèle la cause fasciste. Collaborateurs du régime de Vichy, ils donnent à leur fils le prénom de Henriot, ami intime de son père, tué le jour où nait le petit Druillet. De toute façon, les dés étaient pipés, il aurait porté le prénom du maréchal Pétain. Voilà : l’homme qui nous dit avoir eu 99 vies livre presqu’autant de clés de compréhension de son œuvre. Son enfance, époque à laquelle il développe déjà un monde imaginaire en regardant les étoiles, sa jeunesse et ses rencontres marquantes, ses amours et ses deuils, ses coups de sang et ses coups de poings, ses bonheurs et ses défonces... Mai 68, Pilote, la BD, le théâtre, la peinture, la sculpture, le cinéma, la TV, l’animation… L’auteur nous embarque dans les pas de sa vie, écorchant au passage quelques autres figures emblématiques (il a beau avoir été son ami, Jean Giraud y est décrit sans complaisance et Alejandro Jodorowski en prend pour son grade), mais distribuant aussi beaucoup d’hommages aux hommes qui ont marqué sa vie (Jean Boullet, René Goscinny, Jean-Pierre Dionnet et d’autres encore). Comme il a pu nous le dire au cours d’un entretien qu’il nous a accordé, ce bouquin ne contient pas de haine, car Druillet n’est pas haineux. Il n’est pas non plus envieux du talent ou de la réussite des autres, mais plutôt admiratif. Mais quand on affronte sa propre vérité, il n’y a pas de raison d’éluder celle des autres. Druillet, artiste exceptionnel. Druillet, homme singulier. Delirium, autoportrait sans complaisance.