L'histoire :
En février 1919, le soldat Joseph Kessel, surnommé Jef, se fait déposer en traîneau à la porte d’un cabaret de Vladivostok. Ses camarades l’attendent en s’enivrant et en courtisan des femmes de joie. Il se souvient de son enfance tragique, à l’époque des premiers pogroms et de la révolution de 1905. Il vivait alors avec sa tante à Orenbourg. Il se souvient aussi de son engagement militaire, à la fin de la première guerre contre les boches. Le 11 novembre 1918, tandis que l’armée Allemande se plie à un armistice face à la triple Entente, Jef est en poste à bord d’un cuirassé de l’US Navy, en rade de Brest, bien qu’il ait été initialement engagé en tant qu’aviateur. Il entend le tocsin fêter la victoire au loin, tandis que son bâtiment met le cap vers la Sibérie, après la promesse de plusieurs étapes américaines. Il tue le temps en jouant au baccara et rate presque l’arrivée à New York et la vue sur les gratte-ciel de Manhattan. Quatre ans plus tard, en 1923, ses talents littéraires l’amènent à côtoyer les écrivains en vogue du tout-Paris chez Gaston Gallimard. Son roman L’équipage, inspiré par ses années de guerre, n’en est qu’à l’imprimerie, mais déjà Jef propose un nouveau projet à son éditeur : un roman se déroulant durant la guerre d’indépendance d’Irlande…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
De la trempe des Saint-Exupéry, Henry de Monfreid, ou encore aujourd’hui Sylvain Tesson, Joseph Kessel fait partie de ces grands écrivains français qui ont doublé leur vie littéraire d’une vie d’aventurier et de soldat, s’inspirant de leurs expériences héroïques, tragiques et exotiques pour nourrir leur œuvre. Cette biographie proposée par Cyrille Charpentier et Jörg Mailliet est semi-fictive. C’est-à-dire qu’elle est factuellement juste, mais brodée pour les détails et l’humeur… quoi que cette dernière s’efforce de faire honneur à l’esprit romanesque de l’écrivain. Découpée en plusieurs chapitres introduits par des textes de remise en contexte, cette biographie revient sur les grandes étapes qui ont façonné l’inspiration et l’humanisme de l’auteur du Lion et des paroles du Chant des partisans. De ses origines lituaniennes, en passant par son engagement militaires au cours des grandes guerres, ses voyages sur tous les continents – des glaces de Sibérie aux steppes et déserts d’Afrique –à bord de tous les moyens de locomotion – cuirassés, trains à travers des USA, coucous de l’aéropostale – en passant par la pègre de Pigalle et les cosaques de Vladivostok, Kessel s’enivre de Vodka et d’aventures, traverse mille périls et affronte de redoutables ennemis, dont le pire fut sans doute sa propre témérité. Il y a un parfum de Corto Maltèse dans ce personnage, mais le rythme narratif peine à nous faire vibrer à la hauteur du souffle épique. Peut-être la construction patchwork, qui mélange sans transition flashbacks et flashforward, peine-t-elle à nous transporter. Peut-être aussi le dessin, à la colorisation austère, et son découpage échouent-il dans le potentiel immersif des séquences. A la fois terriblement travaillé dans les peintures, les détails d’époque, les cadrages, il est peu gratifiant envers les personnages essentiellement suggérés (qu’on peine à reconnaître). Les amateurs de l’homme et de son œuvre apprécieront néanmoins cette très sérieuse et étonnante biographie.