L'histoire :
Il est tard et Gervaise est inquiète. Son mari, Damien, n’est pas encore rentré. Elle en est persuadée, il la trompe avec Adèle, une collègue de travail. Dans la nuit, Damien Lantier rentre et ne peut éviter la confrontation avec sa femme. En toute irrévérence, il s’affale dans le sofa et se roule un joint. Sous les accusations de sa femme, sa rage refait surface. Il la prend par le cou et lui ordonne de se taire. Seule l’arrivée horrifiée des deux enfants dans le salon interrompt la scène d’une rare violence. Le lendemain matin, les esprits sont encore échauffés, mais Gervaise doit se rendre à son travail d’hôtesse au salon de l’automobile. Elle n’aura aucune réponse de Lantier. Devant les portes du salon de l’automobile, elle rejoint sa collègue qui remarque aussitôt ses cernes. Si Gervaise veut garder son travail, elle va devoir user de ses meilleures astuces maquillage. Souffrant en silence devant les coups d’œil pervers de certains visiteurs du salon, elle profite de quelques minutes pour prendre sa pause en fumant une clope. Le nez sur son téléphone portable, elle surfe sur Instagram en « swipant ». Elle fait défiler les publications et tombe sur le profil d’Adèle dont la dernière publication est une photo de Damien au bord de la plage, accompagnée en titre « nouveau départ avec mon bb ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Que c’est malin de la part des scénaristes Xavier Bernoud et Mathieu Solal de transposer le récit social de Zola de nos jours. Le travail d’adaptation est risqué car L’assommoir et la fresque naturaliste des Rougon-Macquart en général sont un pilier de la littérature française. Zola écrit à l'époque un roman sur le monde ouvrier. Les auteurs transposent le monde ouvrier de la fin du XIXème siècle à la réalité ouvrière de notre époque. Par exemple, le métier dangereux et peu rémunérateur du couvreur dans le récit initial est remplacé par celui de travailleur indépendant, du style livreur à vélo ou chauffeur de VTC. Sur le fond, le récit pose la même trame avec le thème des interactions sociales et en particulier, le rapport à la condition sociale, l’alcoolisme et l’ambivalence de la nourriture, symbole d’aisance et de déchéance. Le parallèle, deux siècles plus tard, concernant la condition sociale, est osé mais intéressante. Malgré un bond en matière d’aide sociale et de prise en charge de la santé au sein de la société française, la précarité s’est renforcée. Force est de constater que l’Homme est un grand prédateur pour ses semblables. L’environnement graphique est confié au talentueux Emmanuel Moynot, qu’on ne présente plus. Avec un trait réaliste tirant parfois sur la caricature, l’auteur place le récit dans notre époque. Avec cet album, les auteurs réussissent avec brio à transposer le récit social éponyme à notre époque.