L'histoire :
Fraîchement sorti major de promo de Science Po, Julien a rendez-vous avec Vincent Bolloré, propriétaire du groupe Canal+. Dans son grand bureau, au dernier étage du siège du groupe, ce dernier lui explique qu’il a besoin de ses compétences de communicant et qu’il envisage de le placer à un poste hyper stratégique. Julien s’imagine aussitôt conseiller à l’Elysée, ou au Quai d’Orsay. Bolloré le surprend en lui disant qu’il l’envoie aux côtés de Cyril Hanuna, l’animateur vedette de Touche Pas à Mon Poste, sur la chaîne de télé C8. Julien est passablement décontenancé. Quand il annonce la nouvelle à sa compagne Clarissa, celle-ci croit même qu’il se fiche de sa poire. Elle qui rêvait d’épouser un brillant acteur de la politique, elle se retrouve à tenter de dissuader Julien de rejoindre ce gros débile qui met des nouilles dans le slip de ses chroniqueurs ! Que vont penser ses pauvres parents… Les jours qui suivent, Julien se renseigne un peu mieux sur les frasques médiatiques de l’animateur TV, qu’il ignorait… et il se met logiquement à douter. Il est alors happé par un harcèlement via SMS de Hanuna, qui lui propose de jouer au tennis. Julien se laisse aller à essayer une première rencontre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2015, les Arènes débutaient la série La Présidente, qui imaginait Marine le Pen arriver au pouvoir en France. Cinq ans plus tard, dans un registre certes plus humoristique, mais pas moins perspicace, c’est Cyril Hanouna, l’animateur de Touche Pas à Mon Poste qui se laisse aller à une candidature pour la Présidentielle 2022 (on vous laissera découvrir si elle est couronnée de succès). Après tout, si Donald Trump et Beppe Grillo y sont parvenus respectivement aux USA et en Italie – l’un en étant acteur vedette de téléréalité, l’autre en tant qu’humoriste – c’est que c’est possible ! La tendance actuelle au populisme, la soumission aux réseaux sociaux et aux réactions épidermiques des followers, constituent un terrain favorable. D’ailleurs, en 1981, Coluche avait déjà emprunté cette voie ; et il avait plutôt bien « secoué le cocotier ». L’avortement de sa campagne avait été autant dû aux pressions des « vrais » politiques (qui avaient pris peur), qu’à la prise de conscience que la gestion d’un pays est une affaire sérieuse, qui requiert de la clairvoyance, une forte culture internationale et bien d’autres compétences que celles du secouage de cocotiers. Sur un ton léger, aidé par le caractère badin du dessin caricatural de Morgan Navarro, la fiction imaginée par le communicant Philippe Moreau Chevrolet se montre néanmoins particulièrement pointue et pertinente concernant les rouages de communication de notre époque. Plus ou moins aidé par un communicant professionnel fraîchement sorti de Science Po, le personnage d’Hanuna, à peine exagéré, n’a ici guère à forcer son talent pour devenir un candidat plausible – à l’aune des intentions de votes, s’entend ! Car la politique d’aujourd’hui se résume quasiment à cela : de la pure gestion d’image, mesurée à chaud par l’excitation suscitée sur le peuple, dénuée de toute noblesse, de toute ambition civilisationnelle. Dans ce cadre, les dérapages contrôlés et les provocations d’Hanuna constituent les arguments d’une campagne incontrôlée, qui s’écrit en story-telling et avance à la manière d’un canard sans tête. Et pour amplifier l’angoisse, la plupart des acteurs médiatiques qui pèsent actuellement – qu’ils soient politiques, journalistes, agitateurs ou pipoles – jouent leur rôle d’engrenage. Pour autant, cette « dystopie » qui donne des sueurs froides ne constitue ni une critique à charge contre l’animateur, ni une promotion favorable. Le scénariste se contente d’appliquer des mécaniques qui font chaque jour leurs preuves, sur un postulat crédible. Darka ou pas darka ?