L'histoire :
Pour que les villes de France restent propres, des personnes s’activent chaque jour dans le plus grand déni de chacun. Pourtant, impossible de ne pas les voir. A Paris, les balayeurs portent une tenue verte, couleur en référence à l’environnement, avec des lignes phosphorescentes. Leurs fidèles compagnons sont une poubelle à roulettes et un balai. Leur utilité est sans commune mesure. Que serait nos villes sans ces gens qui nettoient après les soirées arrosées, les après-matchs de foot, les mondiaux sportifs ? Un carnage. Notre balayeur en a conscience et tel un philosophe, il en a fait son morne quotidien. Un jour, il trouve un téléphone portable sur le trottoir. Il tente de la ramasser mais ce dernier refuse. Voilà une réaction des plus déroutantes. Une belle occasion de pouvoir échanger avec quelque... chose qui ne manque pas de tempérament. S’ensuivent des discussions pleines d’entrain sur le sens de la vie, du couple, de la nature et aussi de l’amitié...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le lauréat du Grand prix d’Angoulême 2020 nous revient avec un album singulier. Déjà sur la forme, même si Emmanuel Guibert nous a habitués à mélanger dessins et photos (cf. Le photographe ou ses Alan). La couverture, peu sexy, représente bien ce dans quoi on va plonger. D'un côté, une photo avec un dessin plaqué par dessus ; de l'autre, une pleine page avec un gag. Graphiquement, Guibert va à l'essentiel. Son personnage de balayeur, ses outils de travail ainsi que le deuxième personnage principal, un smartphone. Et parfois, un élément extérieur type une échelle ou un déchet. L'auteur supprime les contours de cases et limite les teintes. Le trait est simple, net et affirmé, juste du blanc, noir, vert et jaune, les couleurs du balayeur parisien. Cela suffit à souligner le texte qui titille les neurones. Les bulles révèlent bien plus qu'une simple plaisanterie. Tel des Socrate et Platon des temps modernes, les deux entités que tout oppose se retrouvent à faire réfléchir chacun à son rapport à son téléphone et à l'humain. Il fallait bien ce genre d'humain, simple balayeur, invisible aux yeux de la société et néanmoins utile d'un côté ? Il fallait bien cette invention folle, ce petit objet que l’on nomme sobrement « smartphone » de l'autre, qui est bien plus que cela pour l’homo sapiens du XXIème siècle. Ce compagnon de vie connaît tout sur nous, gère nos mails, connait nos préférences, permet de regarder des vidéos, de filmer, de prendre des photos, de noter nos rendez-vous, de réveiller le matin, d'indiquer la route… Plus besoin d’apprendre, il suffit de demander à Google. Alors, meilleurs ennemis ou pires amis ? A chacun de voir face à ce moment à la fois philosophique, poétique et humoristique.