L'histoire :
En 10 jours, la révolution tunisienne a mis fin à la présidence de Ben Ali. 23 ans de pouvoir, balayés pacifiquement. Mais ce n'est pas du jour au lendemain que l'espoir d'une meilleure vie se réalise. Lorsque Hamza annonce à sa copine qu'il veut partir pour la France, il récolte une amertume silencieuse. En un regard, sans un mot, il sait que son histoire avec elle se termine maintenant. Ses amis ne le comprennent pas : maintenant que le pays est libre, c'est aux jeunes de le construire. Il manque d'en arriver aux mains avec son meilleur pote, qui lui prédit un bel avenir : « Mais t'espères quoi ? Tu crois que t'auras la belle vie là-bas ? Tu seras seul, tu trouveras rien de mieux qu'un job de merde, qu'un logement de merde, voilà ce qui se passera »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l'heure où les médias titrent sur la crise des migrants, le bouquin de Léopold Prudon propose un récit en forme de témoignage de l'exode tunisien qui a suivi la révolution. A travers le parcours d'Hamza, on revient en 2011. Les boat people, Lampedusa et ses camps de réfugiés, aux conditions de vie indescriptibles, Milan et Paris. Couché sur le papier, tout cela semble linéaire ; mais pour ce jeune homme, c'est un vrai parcours du combattant. Les passeurs véreux, l'angoisse du naufrage et pour surmonter les moments terriblement difficiles, la solidarité. Avec une narration qui s'appuie sur un personnage aussi déterminé que discret, le long voyage ne laisse jamais indifférent. On se demande bien quel sort la France va réserver à ce jeune immigré. Un peu de réseau familial et l'espoir renaît, même si des employeurs dans la grande distribution semblent spécialisés dans l'emploi de sans-papier. Si le Noir et Blanc de Léopold Prudon ne fait pas dans l'extravagant, c'est pour appuyer encore un peu plus le ton réaliste de son histoire. A défaut d'être dépouillé, son style sobre accentue l'humilité du personnage principal, un jeune homme d'une dignité exemplaire. Lui n'est jamais dans la plainte, faisant en sorte que l'écriture ne soit ainsi jamais non plus dans le pathos. Une histoire dure que Léopold Prudon a réussi à communiquer à travers l'art séquentiel, en lui donnant l'aspect d'une fiction extrêmement réaliste qui ne joue jamais avec la corde sentimentale.