L'histoire :
Prospère, démocratique, indépendant… Le Liban voit sa destinée basculer un matin d’avril 1975 lors d’un attentat à Beyrouth, pendant l’inauguration d’une église. L’agression fait deux morts, mais elle vise le chef du parti chrétien, Pierre Gemayel, opposé à la présence de Palestiniens au Liban. Dés lors, les ripostes se succèdent. C’est l’escalade et l’entrée dans un conflit long, complexe et violent. Au même moment, au nord de Baalbek, la petite Ismahane s’exerce, carabine en main, à effrayer les pigeons. Elle a tout juste cinq ans et elle aime, plus que tout, passer des heures dans les collines avec ses frères et ses cousins. Pour eux, elle aime préparer, pendant leurs brèves pauses, des petites friandises composées de biscuits secs écrasés, de sucre et d’eau… En 1976, suite au massacre d’un camp de Palestiniens par des phalangistes chrétiens, la ville chrétienne de Damour est attaquée. La Syrie intervient alors et s’installe au Liban. Au nord de Baalbek, le père d’Ismahane, le très respecté Abou Ali, met fin à une querelle ancestrale entre deux familles rivales. Admirant le tact et le sens diplomatique de son père, Ismahane prépare le thé avec sa tante, en y ajoutant des noix comme le faisait sa maman…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour cette partie à 4 mains, Sasha et Christophe Girard trouvent un ton infiniment juste pour raconter le Liban. En alternant avec intelligence récit « intime » et Histoire, et en les laissant peu à peu s’entrelacer habilement, ils parviennent à nous faire prendre la juste distance nécessaire. Habitués à voir ce long conflit fratricide - son lot d’attentats, d’enlèvements, d’imbrications politiques parfois complexes - traité par le canal des JT, le temps aidant, on s’y est facilement un peu perdu. Ici, chaque chapitre est minutieusement introduit par une piqûre de rappel historique synthétique et parfaitement claire. Plus facile, alors, de prendre ses repères tout en suivant en parallèle un petit bout de fille au regard ravageur, pétillante d’énergie et d’amour de la vie. Le récit débute alors qu’Ismahane à 5 ans, en 1975, au moment où la guerre civile éclate dans son beau pays. Il nous conduira (pour cette première partie) jusqu’à son entrée à l’université à Paris. Entre temps, ce sont son innocence naïve, ses amours, ses projets, le poids culturel, les chemins différents pris par chaque membre de sa famille qui se superposent aux conséquences de la guerre. D’abord avec une certaine distance. Un peu comme si le conflit ne pouvait avoir que peu d’emprise sur la vie de la petite fille. Et puis peu à peu, il se fait toujours plus présent, pour finir par guider certains choix. L’intérêt principal du récit, ainsi proposé, est de donner, au-delà d’une description historico-chirurgicale aseptisée ou à l’inverse tapageuse, un visage humain aux victimes à distance de l’Histoire. Le regard d’Ismahane, ses envies « ordinaires », sa soif de vivre et de s’émanciper, humanisent profondément. Aussi, au-delà de l’image de luttes armées qu’on associe au Liban, fait-on enfin l’effort de penser qu’il y a des gens qui n’ont pas demandé autre chose que de vivre, tout simplement. A suivre incontestablement…