L'histoire :
Un éléphant débarque dans la cité 14 grouillante, parmi un groupe bigarré de nouveaux émigrants. Contrôle médical, collation, douche collective et... entretien personnalisé. L'éléphant maîtrise difficilement la langue et s'exprime avec un accent horrible. Pendant qu'on mobilise un interprète, il a bien le temps de se fiche de la poire de l'officier, dans sa langue d'origine. Heureusement, graisser la patte des autorités, largement corrompues, cela aide à obtenir l'autorisation d'entrer sur le territoire. Au check-point suivant, on lui réclame encore un pot de vin... Involontairement, il laisse alors tomber une enveloppe de graines sur le sol, ce qui braque immédiatement les militaires. Une altercation débute. L'éléphant récupère ses graines, prend la fuite et fait évoluer la bagarre jusque dans une ruelle proche. A cet endroit, la rixe perturbe une transaction louche entre un cerf et un humain. Dans le tumulte, deux mallettes s'ouvrent : la première contient plein de billets de banques ; la seconde contient... une tête d'aigle ! Un journaliste d'investigation castor, caché dans une caisse, n'en perd pas une miette : il change de pellicule et mitraille de son appareil photo. Soudain, le chaos de la bagarre renverse sa caisse et trahit sa présence. Le cerf et l'humain s'aperçoivent qu'ils étaient faits piéger. Ils sortent leurs flingues et canardent dans la direction du journaliste. Avec l'aide de l'éléphant, il parvient à s'enfuir, jusqu'au quai d'un port, où ils embarquent tous deux à bord d'un sous-marin de poche...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Initialement éditée chez Paquet en 2005, en épisodes mensuels, la première saison (12 épisodes) de Cité 14 n'avait alors pas bénéficié d'une visibilité optimale. Coucou la revoici chez les Humanos, qui nous la livrent en 4 recueils de 3 épisodes et nous promettent une saison 2 à venir. Quid donc de cette série pas comme les autres ? Il est à la fois déstabilisant et particulièrement excitant de ne pas cerner d'emblée le contexte qui sert de châssis à cette aventure décalée. Humains, animaux et extraterrestres semblent cohabiter dans une civilisation urbaine grouillante et interlope, fermement régie par un état policier, et où pourtant règne la pire des corruptions. Un éléphant a priori anarchiste débarque... il s'allie à un castor paparazzi... puis s'installe dans une haute tour biscornue où il s'adonne à une curieuse botanique... Aussi mystérieux qu'accrocheur, ce premier recueil de 3 chapitres peine pourtant à dévoiler où les auteurs veulent nous emmener. Paradoxalement, cette petite réserve constitue aussi le gros point fort de la saga : les aventures qui nous sont données de suivre sont jouissivement hétéroclites, à des années-lumières de tous les archétypes narratifs. Le scénariste Pierre Gabus semble rien tant apprécier que les rebondissements décalés : on se déplace parfois en sous-marin, il manque des bouts d'escaliers pour monter en haut de la tour, les journalistes se relaient pour ouvrir les colis piégés sur la terrasse , des fois que ça explose... Le tour de force est de parvenir à absorber le lecteur par ces différentes intrigues bizarres entrecroisées, sans savoir laquelle nous embarquera réellement au prochain recueil. Et l'air de rien, cet environnement bigarré et dense brasse une foule de concepts : ethnologiques, sociologiques... politiques ! Vaguement situé au sein de la nouvelle vague, le dessin en noir et blanc de Romuald Reutimann surprend aussi par sa propension tantôt à demeurer synthétique et tantôt à délivrer des vues panoramiques détaillées sur cette cité toute en gratte-ciels. Bonne nouvelle : les 4 tomes de la première saison vont se succéder d'ici juin 2011, avant que la saison 2 ne lui emboîte le pas à l'automne...