L'histoire :
Dans un futur peu enviable, la Terre est arrivée à saturation. Surpopulation, surpolution, paupérisation, survivalisme… La société Eden Corp propose néanmoins chaque année une grande loterie pour emmener 10 millions de terriens vers une lointaine exoplanète similaire à la Terre, pour une vie meilleure, à bord d’un vaisseau interstellaire. Gabe et Morgane Oxilenko, ainsi que leur fille Kali, en rêvent. Eux qui sont régulièrement obligés de se livrer, en famille, à des larcins pour trouver de quoi subsister. Quitte, parfois, à devoir combattre et tuer les bandes de pilleurs rivales. Car ils sont soudés et efficaces, les Oxilenko ! Hélas, le nouveau tirage au sort n’est toujours pas pour eux. Gabe est écœuré. D’autant plus qu’une famille comme la leur au sein de leur immeuble, les Tremaine, a gagné un billet pour Eden ! Or, il se trouve qu’ils ne sont pas franchement amis avec ces délateurs. Et Gabe a bel et bien promis d’emmener un jour les siens sur Eden. Enivrés par cette porte de sortie, ils passent à l’acte : la veille du départ, ils attaquent et neutralisent les Tremaine… Puis ils se coiffent et s’habillent comme eux et attendent sagement dans l’appart des Tremaine que la délégation des grands gagnants vienne les chercher, avec leurs valises prêtes. La substitution se déroule à merveille. Gabe, Morgane et Kali sont convoyés et revêtus d’une combinaison spéciale cryogénique. Ils doivent même se soumettre à l’étape de l’interview contractuelle – pour la promo ! Un ascenseur spatial les propulse ensuite jusqu’au gigantesque cargo Constellation. Au moment d’embarquer, le système révèle certes une erreur : le bioscan ne correspond pas à celui des Tremaine. Mais le départ est tellement imminent et la famille tellement cohérente que les agents d’Eden Corp considèrent qu’il s’agit d’un bug. L’hibernation est enclenchée, le Constellation prend le départ…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est un classique de l’anticipation : incapable d’endiguer sa dévastation de la Terre, l’humanité est obligée d’envisager la colonisation d’une lointaine planète similaire et pourquoi pas paradisiaque – « Eden » signifie paradis en anglais. Créée au format comics, cette « série » réunie dans un grand format cartonné et intégral (120 pages) façon franco-belge par les Humano, met en avant une famille de trois héros initialement peu vertueux. Papa, maman et fifille Oxilenko sont en effet au départ des pilleurs et des assassins. Certes, mais dans une société déliquescente qui est largement partie en sucette, avoir une structure familiale soudée, athlétique et bien organisée, ça reste sacrément glorieux ! Émerveillés par le voyage vers cet Eden et une vie meilleure, ils se créent leur place clandestine à bord du vaisseau interstellaire où se déroule l’entièreté de ce thriller futuriste en huis clos… mais ils restent en orbite de la Lune. Car – stop, ne lisez plus si vous ne voulez pas qu’on vous spoile la révélation très explicite en couverture – le paradis promis n’existe pas. Chez Eden Corp, ce sont juste des gros enfoirés qui bazardent des millions de passagers dans le vide cosmique, après leur avoir vendu du rêve. Bref, sur un mode narratif qui ne s’encombre pas de détails et des dialogues de série B, notre famille échappe (provisoirement ?) à ce destin funeste. Mais elle doit alors trouver une solution, coincée entre une firme manipulatrice et assassine, restée à Terre, avec laquelle ils négocient sans cesse, et d’autres passagers survivants et énervés, qui continuent de croire au paradis. Ce cauchemar sans issue truffé de facilités narratives est scénarisé par l’américain Christopher Sebela (sur une idée d’Alain Bismut et Abel Ferry). Il est dessiné sur un mode réaliste par l’anglais Marc Laming, très régulier et efficace avec les proportions et postures des personnages, ainsi que les décors technologiques d’un vaisseau interstellaire. La conclusion métaphorique s’impose : il est grand temps d’arrêter d’abimer la Terre, car il n’existe pas de plan B pour l’humanité.