L'histoire :
Décembre 1942, Londres. Dans une cave à vin, Victor Douglas Thorpe s’entaille l’avant-bras et son sang jaillit comme un parasite vivant, prenant possession du corps de son prisonnier, Peter Wilkes, agent des services secrets britanniques. Le cadavre exsangue de Thorpe est retrouvé, et Stanley Pilgrim, policier du MI6, est chargé de l’affaire. À Bucarest, un commando nazi massacre des résistants roumains. Seul Karel Ricek parvient à fuir, mais doit achever un camarade blessé pour éviter qu’il parle. Il cherche désormais à rejoindre un commando visant Rudolf Heizig, un dignitaire nazi à la tête du projet secret « Légion ». Au cœur de ce projet, en Transylvanie, une fillette aux pouvoirs surnaturels, capable de manipuler et de contrôler les corps d’autrui. Tandis que les nazis cherchent à exploiter ces pouvoirs occultes, Pilgrim s’enfonce dans un complot où espionnage et fantastique s’entrelacent, menaçant l’équilibre même du conflit mondial. De Londres à l’Europe de l’Est, des forces insoupçonnées s’affrontent dans l’ombre, jouant un rôle bien plus grand que celui des nations. La guerre, déjà terrible, pourrait basculer sous l’influence de cette puissance inconnue.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
À l'occasion de leurs 50 ans, les Humanoïdes Associés ressortent en intégrale, l'un de leurs fleurons : Je Suis Légion réunit les trois albums de la série éponyme, marquant les débuts de Fabien Nury dans le médium bande dessinée. Si son nom est aujourd’hui associé à des œuvres majeures du 9ème art, on retrouve déjà ici sa patte scénaristique, imprégnée d’un souffle cinématographique saisissant. Il s’associe pour l’occasion à John Cassaday, dessinateur américain reconnu, qui insuffle à l’album une esthétique dynamique et immersive. Sur fond de Seconde Guerre mondiale, le récit mêle espionnage, occultisme et références historiques au sein d'une intrigue dense et torturée. Nury croise habilement mythe vampirique et ambitions nazies, réinterprétant le fantasme du IIIème Reich avide de pouvoirs surnaturels. Si le début peut dérouter par sa complexité narrative et un découpage parfois abrupt, le récit gagne en fluidité et en intensité au fil des pages, jusqu’à un dénouement déroutant. Graphiquement, John Cassaday adopte une mise en scène cinématographique percutante, usant d’angles de vue recherchés et de cadrages travaillés. Son trait, d’abord irrégulier, s’affirme progressivement et sert de mieux en mieux la noirceur du scénario. Les couleurs sombres et contrastées de Laura Martin accentuent cette atmosphère oppressante. En fin d’album, un cahier graphique met en lumière son processus de création, dévoilant ses études de personnages et son approche du cadrage, confirmant son talent pour une narration visuelle immersive. Avec cette intégrale, Fabien Nury et John Cassaday livrent une œuvre ambitieuse, où l’uchronie flirte avec l’horreur et le thriller d’espionnage. Exigeante mais captivante, cette lecture nécessite une attention soutenue pour pleinement en apprécier les nuances et l’impact.