L'histoire :
En 1641, les hollandais sont les seuls européens à posséder encore un comptoir commercial au Japon. En effet, le Sakoku, une politique d’isolement commercial, est à son apogée. Le protectionnisme religieux est également de mise : quiconque pratique le prosélytisme chrétien sous quelque forme que ce soit encourt de sévères peines. Dans ces strictes conditions, le chirurgien hollandais Hendrik ven Effen vient à soigner – avec une habileté remarquable – un samouraï blessé lors d’un accident. L’oncle de ce dernier, un notable nommé Tekeda Kenshin s’occupant d’affaires militaires et policières, se retrouve donc avec une dette d’honneur… Une situation embarrassante étant donné que c’est à l’égard d’un européen. Kenshin vient une première fois en aide à Hendrik lorsque ce dernier est agressé par des voyous, alors qu’il se rend incognito dans les quartiers de plaisir de Nagasaki. Dès ce moment, les deux hommes se lient d’amitié, le premier faisant partager les rouages de sa société au second. Au milieu de la nuit, sur le chemin du retour, ils entendent des bruits de combat et découvrent avec stupeur le corps du neveu gisant décapité. Pire : ce dernier enserre un crucifix dans son poing et une trousse appartenant au hollandais est retrouvé à proximité ! Hendrik est aussitôt accusé et emprisonné. Kenshin prend donc une seconde fois sa défense et le fait libérer, se portant garant de son innocence. Dès lors, ils enquêtent ensemble sur ce meurtre, le premier d’une longue série…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Prévue pour s’étaler en deux tomes, l’enquête de ce nouveau polar historique s’appuie d’une part sur une intrigue habilement huilée, et d’autre part sur un châssis historique extrêmement documenté et très instructif. Il faut le savoir : littéralement, le Rangaku est la somme des connaissances acquises de la civilisation hollandaise par les japonais durant leur période d’isolationnisme. En outre, la série de meurtres par décapitation dont il est question, est liée à une forme de fanatisme religieux, une persécution chrétienne dont on parle peu dans nos livres d’Histoire. Si ce récit peut paraitre dès lors un peu « technique », il nous transporte donc véritablement dans l’ambiance nippone de la Renaissance, aux mœurs pour le moins austères. Rien d’étonnant à cette belle ouvrage, quand on constate qu’elle est orchestrée par Lucha Enoch, auteur prolifique en Italie depuis des années, et scénariste de l’excellente Morgana. La qualité de ce premier opus découle également de la présence au dessin d’un autre vieux briscard des « Fumetti » (le nom donné au 9e art en Italie), Maurizio di Vincenzo, dont c’est assez bizarrement la première BD publiée en France. S’appuyant sur un trait réaliste, précis et détaillé, l’artiste met en scène avec une grande maîtrise cette première partie d’enquête captivante et très didactique…